[Mise à jour du vendredi 07 octobre 2022 à 10h52] La discussion va rentrer dans le dur. A compter du lundi 10 octobre, les partenaires sociaux et le gouvernement initie le premier cycle de discussions sur la réforme des retraites. Au menu, deux sujets majeurs : la pénibilité et l'emploi des seniors, a indiqué le ministre du Travail, Olivier Dussopt. Mais concrètement, où en est-on sur ces deux sujets à l'heure actuelle ? Le chantier promet d'être particulièrement complexe : 

  • ​​​​​​​Sur l'emploi des seniors : la tâche promet d'être ardue. En effet, le taux d'emploi des plus de 55 ans en France est bien inférieur à la moyenne européenne : 56% contre 72% en Allemagne par exemple. Sous l'effet des réformes successives, le taux d'emploi des seniors âgés de 55 à 64 ans est passé de 38% en 2008 à 56% en 2021. Le relèvement de l'âge légal de départ à 62 ans a toutefois eu des effets nuancés, estime France Stratégie dans un rapport. Il s'est traduit par "une progression de l'emploi pour la moitié seulement des personnes concernées", les autres se répartissant entre inactivité (dont une part substantielle d'invalidité ou maladie longue) et chômage. Tout l'enjeu de la concertation initiée lundi est de répondre à la question suivante : comment lutter contre les freins à l'embauche des seniors dans les entreprises ? Les seniors souffrent bien souvent de discrimination, car ils sont parfois réputés moins productifs, fragiles et réfractaires au changement. La Première ministre avait évoqué la création d'un "index des seniors", "dans le même esprit" que celui en vigueur sur l'égalité professionnelle. Il s'agirait notamment "de s'assurer que les entreprises sont exemplaires". Plus largement, la concertation abordera l'accès à la formation et les dispositifs de retraite progressive et de cumul emploi-retraite.
  • Sur la pénibilité : à l'heure actuelle, la pénibilité est mesurée à travers des critères. Un salarié exposé bénéficie d'un compte avec des points, alimenté en fonction du nombre de facteurs pénibles qu'il subit. Six critères sont pris en compte pour mesure l'exposition à un risque professionnel : les activités exercées en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes et le travail répétitif. L'acquisition de ces points permet dans un second temps d'obtenir un départ anticipé notamment. Reste désormais à savoir dans quelle mesure le gouvernement souhaite réformer ce système. 

Le deuxième cycle de concertation, lui, sera consacré à "la solidarité et l'équité" et les régimes spéciaux. Le dernier, lui, promet d'être particulièrement difficile, puisque les partenaires sociaux et le gouvernement devront aborder la question de l'équilibre du système de retraite. Au mois de décembre, avant Noël, le gouvernement tirera les conclusions de ces concertations de cette négociation, afin de présenter un projet de loi au Parlement avant la fin de l'hiver, au plus tard à la fin du mois de mars. "Nous avons deux objectifs : améliorer la retraite et faire en sorte que le système de retraite soit équilibré", a martelé le ministre du Travail. L'exécutif souhaite reporter l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans, contre 62 ans à l'heure actuelle.

Pour ce faire, il envisage de relever progressivement l'âge de 4 mois par an, afin d'atteindre les 64 ans en 2027, puis les 65 ans en 2031, avec une "clause de rendez-vous en 2027". Ces négociations interviennent alors que plusieurs rapports relatifs à la santé du système de retraite ont récemment été publiés. Dans son rapport annuel, le COR évalue que le système de retraite a dégagé un excédent de 900 millions d'euros l'an dernier. En 2022, un surplus de 3,2 milliards d'euros est même attendu. Des chiffres expliqués par la forte reprise économique. Le Conseil d'orientation des retraites les nuance toutefois. Il s'attend à ce que le solde global des régimes de retraite se dégrade "sensiblement dès 2023". Le retour à l'équilibre du système de retraite reste attendu "vers le milieu des années 2030", dans le meilleur des scénarios. 

Que propose Emmanuel Macron sur la réforme des retraites ?

Dans son projet, le président sortant avait fait part de son intention de repousser l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans, tout en prenant en compte la pénibilité des carrières. La réforme pourrait s'arrêter avant 2030, l'échéance annoncée jusqu'ici pour porter progressivement l'âge de départ à 65 ans. Elle pourrait s'arrêter en 2027 et donc se limiter à un âge de départ à 64 ans, a-t-il expliqué. Emmanuel Macron a promis une clause de revoyure à la fin de son second quinquennat. Le président de la République désire supprimer les régimes spéciaux pour les nouveaux entrants à la RATP et au sein des industries électriques et gazières (IEG). Enfin, il désire instaurer un minimum de pension de retraite de 1 100 euros pour une carrière complète. Vous envisagez de quitter la France pour vos vieux jours ? Consultez notre dossier dédié : 

Qui est concerné par la réforme des retraites d'Emmanuel Macron ?

La réforme des retraites ne concerne pas les retraités actuels. Seule une mesure devrait les concerner directement : la revalorisation de la pension de retraite minimum à 1 100 euros pour une carrière complète, si elle est validée par le Parlement. Qu'en est-il du décalage de l'âge légal de départ à la retraite ? Il serait progressivement relevé de quatre mois par an. La génération née en 1961 pourrait être la première concernée, selon Les Echos, avec une mise en œuvre en juillet 2023.

Si un tel calendrier est mis en place, la mesure ne concernera que les personnes nées entre le 1er juillet et le 31 décembre 1961, indique le quotidien économique. Le Parisien avait évoqué la génération 1963, tout comme l'entourage d'Emmanuel Macron à l'AFP en mars 2022, alors qu'il était candidat. Pour l'heure, aucun calendrier officiel n'a été arrêté, les concertations avec les partenaires sociaux n'ayant pas encore démarré. 

Résumé : en quoi consistait la réforme des retraites initiale de Macron ?

Voici en résumé ce que contenait le "texte sur lequel le gouvernement engage sa responsabilité", disponible sur le site Internet de l'Assemblée nationale et validé en première instance début mars 2020 suite à l'utilisation du 49.3 :

  • La fin des 42 régimes spéciaux au profit d'un système universel en répartition qui fonctionnera par points
  • Un calcul des pensions par points, dont la valeur ne pourra pas baisser ni augmenter moins vite que l'inflation, accumulés "tout au long de la carrière professionnelle"
  • La hausse des salaires des enseignants, qui sera matérialisée dans une future loi de programmation
  • A destination, entre autres, des avocats, un abattement de 30% sur l'assiette des cotisations sociales des professions indépendantes et un "dispositif de solidarité" à destination des "petits cabinets"
  •  La généralisation de la visite médicale à 55 ans pour les travailleurs exposés à des facteurs de pénibilité et l'amélioration des modalités d'acquisition de points, dans le cadre du compte professionnel de prévention, pour les travailleurs exposés à plusieurs facteurs de risques professionnels
  • Un "congé de reconversion" pour les personnes soumises à la pénibilité, pouvant aller jusqu'à six mois
  • Le maintien de départ légal à 62 ans, voire moins pour les fonctionnaires exerçant des "fonctions régaliennes" (policiers, douaniers, surveillants pénitentiaires, contrôleurs aériens) pouvant toujours partir en retraite à 57, voire 52 ans
  • Maintien, pour les militaires, du droit de percevoir une pension après 17 ou 27 années de "services effectifs"
  • De nouvelles mesures de baisses de droits dès 2022. L'hypothèse privilégiée est celle d'un âge pivot atteignant 64 ans en 2027, assorti d'un "mécanisme de bonus-malus" de 5% par an, mais il pourra aussi s'agir de l'allongement de la durée de cotisation ou du report de l'âge légal. La conférence sur l'équilibre et le financement des retraites devra remettre d'ici fin avril 2020 ses propositions pour remettre le système de retraite à l'équilibre d'ici 2027
  • L'extension du "compte pénibilité" et de la retraite pour incapacité permanente déjà en vigueur dans le secteur privé, qui permettra à certains de cesser le travail à 60 ans
  • La possibilité, pour les égoutiers recrutés avant le 1er janvier 2022 de partir à la retraite à 52 ans
  • La possibilité, pour les fonctionnaires ayant opté pour leur maintien dans la catégorie B de la fonction publique hospitalière, de continuer à partir à 57 ans
  • L'extension de la retraite progressive aux salariés en forfait-jours, aux régimes spéciaux et aux agriculteurs
  • La modification des règles du cumul emploi-retraite, afin que ceux qui perçoivent une pension à taux plein puissent accumuler des points supplémentaires lorsqu'ils reprennent une activité
  • Une retraite minimum à 85% du Smic en 2025
  • Une majoration en points de 5% par enfant, dont la moitié sera attribuée à la mère au titre de la maternité, l'autre moitié pouvant être partagée entre les deux parents ou attribuée à l'un ou à l'autre
  • Un bonus supplémentaire de 2% pour le troisième enfant, automatiquement réparti à parts égales entre le père et la mère, sauf décision contraire de leur part ; l''attribution de points supplémentaires aux parents isolés
  • Un nouveau calcul des pensions de réversion qui garantira au conjoint survivant, à partir de 55 ans et deux ans de mariage au moins, 70% des points de retraite acquis par le couple (à partir de 2037 pour les personnes ayant intégré le système universel).

Le projet de loi organique, celle devant encadrer la réforme sur le plan financier, deuxième volet de la réforme des retraites, a quant à lui été adopté le jeudi 5 mars 2020. Après un vote, cette fois-ci, par 98 voix contre 1. Comme toute loi organique, elle devait être soumise au Conseil constitutionnel avant promulgation si le gouvernement avait décidé de maintenir ce texte en l'état, option qui ne correspond pas aux dernières déclarations. Que contenait-elle ?

  • Une règle d'or obligeant le système de retraite à l'équilibre pendant 5 ans. Tous les ans, "les lois de financement de la Sécurité sociale" devront présenter "une trajectoire de la branche retraite à l'équilibre pour les cinq années suivantes"
  • L'application, dès 2022, du système universel de retraite aux parlementaires (députés et sénateurs) nés à partir de 1975
  • La suppression de la sanction disciplinaire de mise à la retraite d'office pour les magistrats.

Système de retraite par points : comment ça fonctionne ? 

Le futur système de retraites envisagé initialement est un système par points. Le système de retraite à points (ou retraite par points) fonctionne de la manière suivante : un actif cotise et accumule chaque année un nombre de points transformé ensuite en pension mensuelle une fois l'âge de la retraite atteint. Avec ce système, chaque personne faisant partie de la population active dispose d'un compte sur lequel les points sont additionnés.

Les points sont par la suite transformés en une somme d'argent que le retraité recevra chaque mois. Le passage des points à une pension se fait via un coefficient de conversion qui peut prendre en compte plusieurs facteurs tels que le nombre d'années cotisées ou encore l'espérance de vie moyenne du pays. Lorsqu'un salarié part à la retraite, sa pension correspond donc au nombre de points acquis durant sa vie active multiplié par la valeur du point en vigueur à la date du départ à la retraite.

Le régime général français et les régimes complémentaires (Agirc et Arrco) fonctionnent de cette façon. Le système de retraite français actuel est un régime de retraite par répartition.

Quel âge de départ dans le cadre de la réforme des retraites ? Qu'est-ce que l'âge pivot ?

Dans le cadre de la réforme des retraites initiale portée par Emmanuel Macron, l'âge de départ légal à la retraite devait rester fixé à 62 ans. Toutefois, en vue d'inciter les Français à travailler plus longtemps, une référence à la retraite à taux plein, l'exécutif voulait mettre en place un âge pivot, fixé à 64 ans, avec un mécanisme de décote ou à l'inverse, de surcote de la pension de retraite. Le mécanisme de bonus-malus pourrait faire varier la pension de retraite d'environ 5% par an à la baisse ou à la hausse pour chaque année travaillée en moins ou en plus.

À noter que l'âge pivot devait évoluer en fonction de l'espérance de vie de la génération à laquelle l'assuré est attaché. Il aurait été amené à être révisé afin de tenir compte des contraintes financières du régime. Avant la crise sanitaire, l'exécutif se disait prêt à retirer cette mesure de son projet de loi sur la réforme des retraites à condition que les syndicats et le patronat s'entendent d'ici la fin avril 2020 sur un autre moyen de maintenir l'équilibre financier du nouveau système.

Où en est la réforme des retraites ?

Le candidat Emmanuel Macron appelait de ses vœux cette réforme des retraites lors de sa campagne électorale pour l'élection présidentielle de 2017. Il évoquait la création "d'un système universel des retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé et quel que soit le statut de celui qui a cotisé". Avant la crise du coronavirus, la réforme des retraites a suivi un calendrier :

  • De mai à décembre 2018 : concertation avec les partenaires sociaux sous l'égide du haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye. En parallèle, concertation citoyenne sur une plateforme. Cette première étape a commencé officiellement le 31 mai 2018
  • Printemps-été 2019 : présentation officielle des grandes orientations de la réforme et début d'une deuxième session de négociation avec les partenaires sociaux
  • 18 juillet 2019 : remise officiel du rapport Jean-Paul Delevoye au Premier ministre
  • Du 16 septembre 2019 jusqu'à début décembre 2019 : nouveau cycle de discussions avec les partenaires sociaux pour aborder les questions des mécanismes de solidarité (dans le système universel, 1 euro cotisé ouvre les mêmes droits à tous), l'âge et la durée de cotisation, les modalités de l'équilibrage du système des retraites en 2025 et les règles de pilotage à long terme et, enfin, les modalités de transition des 42 régimes existants vers le futur système des retraites. Ces discussions avec les partenaires sociaux sont accompagnées d'un dispositif de consultation et de participation citoyenne, via une plateforme dédiée, ouverte fin septembre 2019. Organisation, également, de réunions publiques autour d'élus locaux ou d'associations dans les territoires au cours du dernier trimestre de l'année 2019
  • 5 décembre 2019 : début du conflit social
  • 24 janvier 2020 : présentation du texte en conseil des ministres
  • A compter du 17 février 2020 : examen du texte en procédure accélérée pendant 15 jours à l'Assemblée nationale
  • Début mars 2020 : adoption des projets de loi ordinaire et organique de réforme des retraites. Le premier grâce au 49.3 et le second suite au vote des parlementaires. Suspension en raison de la crise sanitaire du coronavirus.

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