C'était la dernière carte de l'opposition. Après un après-midi d'échanges tendus (les débats avaient commencé à 16 heures), les députés ont rejeté ce lundi 12 juin la motion de censure portée par la Nupes, la 17ème de la législature. Pour être adoptée, elle devait recueillir la majorité absolue, soit 289 voix sur 577 députés. Elle n'en a obtenu que 239.

Le Rassemblement National avait fait savoir qu'il voterait la motion. "Nous voulons que Madame Borne s'en aille avec sa réforme sous le bras. Et surtout, nous voulons qu'il y ait un vote car il n'y a pas eu de vote à l'Assemblée nationale" sur les retraites, avait expliqué Sébastien Chenu dimanche. A droite, les députés avaient prévenu qu'ils s'y opposeraient.

La cheffe de file des députés insoumis, Mathilde Panot, avait annoncé mercredi 7 juin déposer une motion de censure pour dénoncer l'absence d'examen de l'abrogation de la retraite à 64 ans.

En quoi consiste la réforme des retraites prévue en 2023 ? Résumé

Outre le décalage de l'âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans, couplé à un allongement de la durée de cotisation, le projet de réforme des retraites prévoit plusieurs mesures. En voici l'essentiel :

  • Le minimum de pension de retraite sera revalorisé à hauteur de 85% du Smic dès cette année : cette mesure concerne tous les retraités actuels et futurs ayant effectué une carrière complète au Smic, soit 40 000 retraités chaque année sur les 800 000 qui liquident leurs droits.
  • L'amélioration du dispositif de carrières longues : la retraite sera possible dès 58 ans pour les personnes ayant commencé à travailler avant 16 ans. L'âge légal de départ sera fixé à 60 ans pour les personnes qui se sont lancées dans la vie active avant 18 ans, à 62 ans pour les personnes qui se sont lancées dans la vie active avant 20 ans et à 63 ans pour celles qui se sont lancées dans la vie active avant 21 ans.
  • Une meilleure prise en compte de la pénibilité : pour ce faire, l'exécutif a annoncé un renforcement du suivi médical, des possibilités de départs anticipés, la création d'un fonds de prévention doté d'un milliard d'euros et l'amélioration du compte professionnel de prévention (abaissement des seuils de travail de nuit et en équipes successives alternantes, création d'un congé de reconversion professionnelle).
  • Particularité en cas d'invalidité ou d'inaptitude : les travailleurs en invalidité et en inaptitude verront leur seuil de départ à taux plein fixé à 62 ans.
  • Prise en compte des congés parentaux : désormais les congés paternité et maternité seront comptabilisés dans le calcul de la retraite et les aidants familiaux bénéficieront de validation de trimestres.
  • La fin des régimes spéciaux (IEG, RATP, clercs et employés de notaire, membres du CESE et Banque de France) pour les nouveaux entrants.
  • Faciliter les retraites progressives : amélioration du dispositif de retraite progressive et élargissement aux employés de la fonction publique.
  • Cotisation supplémentaire grâce au cumul emploi-retraite : cette particularité ouvrira des droits supplémentaires à la retraite, validera les trimestres et permettra ainsi de revaloriser le montant de la pension du retraité.
  • Contribution supplémentaire des employeurs : en contrepartie, la cotisation au régime des accidents du travail et des maladies professionnelles sera abaissée de manière équivalente.
  • La majoration de pension de 5% (1,25% par trimestre travaillé entre 63 et 64 ans), pour ceux qui auront atteint la durée de cotisation requise pour avoir une retraite à taux plein à 63 ans, un an avant l'âge légal de départ à la retraite. Présentée comme un coup de pouce pour les mères de famille, la mesure pourrait techniquement aussi s'appliquer aux hommes.

Dans sa décision rendue le vendredi 14 avril, le Conseil constitutionnel a censuré l'index senior, mesure selon laquelle les entreprises à partir d'une certaine taille auraient dû rendre public leur taux de recrutement et d'emploi des employés seniors, et le CDI senior, un contrat incitant les entreprises à recruter les plus de 60 ans.

Qui sera concerné par la réforme des retraites ?

La réforme des retraites ne concerne pas les retraités actuels. Ces derniers sont partis en retraite à 62 ans comme le stipule actuellement la loi. Le gouvernement ayant retenu la piste d'un report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, la génération née en 1968 devrait être la première concernée, la génération née en 1961 devant partir à 62 ans et trois mois à compter du 1er septembre. Voici à titre indicatif le dispositif prévu :

  • Génération née entre le 1er janvier et le 31 août 1961 : 62 ans, pour une durée d'assurance requise fixée à 168 trimestres
  • Entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961 : 62 ans et trois mois, pour 169 trimestres de cotisation
  • Génération 1962 : 62 ans et 6 mois (169 trimestres de cotisation)
  • Génération 1963 : 62 ans et 9 mois (170 trimestres)
  • Génération 1964 : 63 ans (171 trimestres)
  • Génération 1965 : 63 ans et 3 mois (172 trimestres)
  • Génération 1966 : 63 ans et 6 mois (172 trimestres)
  • Génération 1967 : 63 ans et 9 mois (172 trimestres)
  • Génération 1968 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1969 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1970 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1971 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1972 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1973 : 64 ans (172 trimestres)

A noter : tous les actifs ne seront pas concernés par l'âge légal fixé à 64 ans. Certains continueront à bénéficier de dispositifs leur permettant de partir à la retraite manière anticipée. Sont concernés :

  • Ceux qui ont commencé tôt : ils vont pouvoir continuer à profiter du dispositif carrières longues (lire plus bas).
  • Les personnes invalides ou en inaptitude : elles pourront partir à la retraite à partir de 62 ans.
  • Les personnes victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles : elles pourront partir à la retraite à partir de 60 ans.
  • Les personnes en situation de handicap : il sera possible de partir dès 55 ans, à condition d'avoir cotisé un nombre minimal de trimestres.
  • Les travailleurs exposés à l'amiante : ils bénéficient d'un départ anticipé dès 50 ans.

Où dénicher le simulateur de la réforme des retraites ?

Le site Info-retraite permet de déterminer si vous êtes concerné ou non par la réforme des retraites, grâce à un simulateur. Vous devez renseigner votre activité professionnelle, ainsi que votre année de naissance. Enfin, vous devez préciser si vous avez acquis des droits à la retraite avant l'âge de 20 ans.

Quel est le calendrier de la réforme des retraites ?

Présentée lors d'une conférence de presse le 10 janvier 2023, la réforme des retraites poursuit depuis son parcours législatif. Voici les échéances, passées et futures, à retenir :

  • 23 janvier : le texte a été validé par le Conseil des ministres
  • 17 février : fin des débats à l'Assemblée nationale, sans vote des députés
  • 11 mars : adoption du projet au Sénat
  • 15 mars : réunion de la commission mixte paritaire, chargée de rédiger un compromis
  • 20 mars : adoption définitive de la réforme au sein du projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale (PLFRSS), après le déclenchement du 49.3 par l'exécutif et le rejet de deux motions de censure déposées par l'exécutif
  • 15 avril : promulgation de la loi modifiant le système des retraites, au lendemain de la validation par le Conseil constitutionnel de l'essentiel de la réforme
  • 3 mai : décision du Conseil constitutionnel sur la seconde demande de referendum d'initiative partagée (RIP)
  • 1er septembre 2023 : entrée en vigueur prévue de la réforme des retraites

Les femmes seront-elles pénalisées par la réforme des retraites ? 

Tout comme les hommes, les femmes seront contraintes de travailler plus longtemps, en raison du décalage de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. "Elles sont un peu pénalisées par le report de l'âge légal, on n'en disconvient absolument pas", a reconnu, gêné, sur Public Sénat le ministre des Relations avec le Parlement, Franck Riester, le 23 janvier dernier. "Les femmes sont plus touchées par le décalage de l'âge de la retraite parce qu'elles sont moins fréquemment en situation de carrière longue que les hommes", a expliqué l'économiste Michaël Zemmour, maître de conférences à l'université Panthéon-Sorbonne, auprès de France info.

Une mesure de la réforme se veut toutefois un coup de pouce aux mères de famille. Il s'agit du principe de bonification de 5% (1,25% par trimestre travaillé entre 63 et 64 ans) de la pension des personnes ayant une carrière complète dès 63 ans. Adoptée le 9 mars dernier à l'unanimité par les sénateurs, soutenue par l'exécutif et défendue par Les Républicains, cette mesure pourrait techniquement aussi s'appliquer aux hommes. "Sur le papier, les trimestres accordés au titre des enfants élevés peuvent en effet être partagés entre les deux membres du couple même si, dans les faits, c'est peu courant. Elle pourra se cumuler avec la majoration de pension de 10 % déjà prévue pour les parents de trois enfants", relève le quotidien Les Echos.

Que prévoit la réforme des retraites pour les carrières longues ?

Ce dispositif permet à ceux qui ont débuté leur vie active tôt de bénéficier d'un départ à la retraite anticipée. Voici ce qui change avec la réforme des retraites :

  • Début de carrière avant 16 ans : départ à compter de 58 ans
  • Début de carrière avant 18 ans : départ à compter de 60 ans
  • Début de carrière avant 20 ans : départ à compter de 62 ans
  • Début de carrière avant 21 ans : départ à compter de 63 ans

Comment le gouvernement justifie-t-il sa réforme des retraites ? Explication

L'exécutif estime que la réforme des retraites est nécessaire afin d'assurer la pérennité du système de retraite par répartition. Ce dernier repose sur la solidarité intergénérationnelle, c'est à dire que les actifs cotisent pour payer les pensions des retraités actuels. Or, le nombre de retraités croît plus rapidement que le nombre d'actifs, sous l'effet de l'allongement de l'espérance de vie. D'après l'Insee, en 2040, il y aura 1,5 cotisant pour un retraité, contre 4 cotisants pour un retraité en 1980. Par conséquent, le gouvernement préconise de faire travailler les Français plus longtemps afin d'augmenter les cotisations pour "sauvegarder un système de retraite en danger", comme l'ont martelé à de multiples reprises, le président de la République, la Première ministre et plusieurs membres du gouvernement.

Ce constat est partagé, en partie, par le dernier rapport du Conseil d'Orientation des Retraites (COR) publié en septembre 2022. Dans l'ensemble des scénarios envisagés par le COR – qui définit ces prévisions selon plusieurs facteurs économiques comme le taux de chômage et le Produit Intérieur Brut – le système de retraite, en l'état actuel, deviendrait "potentiellement déficitaire jusqu'en 2039". Néanmoins le rapport du COR n'indique pas que le système de retraite français est "en danger" ou qu'une réforme de l'âge légal de départ en retraite est nécessaire à sa sauvegarde, comme l'affirme l'exécutif. "Les résultats du rapport ne valident pas le bien fondé des discours qui mettent en avant l'idée d'une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite" lit-on dans le document.




    Source link