Du 20 au 24 juin, c'était la semaine pour la qualité de vie au travail (QVT). L'occasion de faire un bilan et se poser sérieusement la question.

Il est bien dommage que ce sujet n'aille pas de soi, mais force est de constater que cela est malheureusement toujours d'actualité. Si les conditions matérielles de travail et la sécurité au travail se sont considérablement améliorées avec le temps il n'y a pas de quoi se reposer et se contenter pour le reste. Le stress et le manque de reconnaissance sont sans doute toujours aussi présents, si ce n'est plus.

Alors comment faire ? Sans doute pas organiser une fois par an un évènement vite oublié ou installer des babyfoots, mais intégrer la qualité de vie au travail au cœur du projet de l'entreprise. Le poisson pourrit par la tête ; le but d'une entreprise est trop rapidement restreint au projet de ses actionnaires de faire fructifier un capital. C'est courte vue et heureusement, de nombreux entrepreneurs et investisseurs créent des entreprises avec d'autres motivations au premier plan.

L'aventure et la liberté sont de puissants moteurs. Le souhait de créer un cadre de travail de qualité en est un autre qui n'est pas incompatible avec le reste. Au contraire.

Chaque entrepreneur devrait avoir à cœur de créer un cadre de travail permettant à chacun de s'épanouir. Car la qualité de vie au travail ne se décrète pas ; il faut créer des conditions qui la rendent possible. Voici quelques points clés qui permettrait de contribuer à un cadre de travail vertueux.

Un travail intéressant

Cela peut sembler évident, mais c'est une notion complexe et fortement subjective. Un travail n'est pas intéressant dans l'absolu. Il dépend du cadre dans lequel il est réalisé (seul ou en équipe ? avec de l'aide ? est-ce nouveau ou la nième répétition) et du goût de chacun. Les deux points clés sont d'une part d'être à l'écoute des attentes et d'autre part d'organiser le travail pour offrir une certaine variété afin de convenir à chacun.

L'écoute, ce n'est pas écrire une fois par an les choses dans un compte-rendu d'entretien qui ne sera jamais relu. C'est avoir un dialogue permanent et sincère afin de connaître ses équipes. C'est leur offrir la possibilité de pouvoir s'exprimer librement et faire des retours constructifs. Pas râler, mais exprimer ses envies.

Pour le manager, ce n'est pas promettre (surtout quand on n'a pas de garantie de pouvoir tenir la promesse), mais avoir les choses en tête pour orienter son action et faire les meilleurs arbitrages. C'est un critère parmi d'autres qui parfois passe devant la rentabilité, l'optimisation du plan de charge des équipes, l'effort de formation nécessaire pour acquérir les compétences, la prise de risque. C'est un équilibre à trouver en prenant surtout soin d'être régulier dans la recherche des solutions.

Une formation permanente

Les technologies et l'environnement évoluent rapidement mais les fondamentaux changent plus doucement. Il faut donc se former en permanence, mais de manière efficace, pas en surface. Trop de formations ne sont qu'utilitaristes et court-termistes avec pour objectif de permettre à quelqu'un de maîtriser la techno X pour le besoin Y. Les concepts profonds, la compréhension réelle du fonctionnement et les liens avec les autres savoirs sont trop souvent négligés. Il en résulte un savoir de perroquet qui ne donne aucune satisfaction et enferme dans une répétition d'un geste technique rapidement obsolète. La formation qui vise à faire comprendre les notions sous-jacentes demande plus de temps, plus d'investissement de part et d'autre, mais apporte un savoir plus durable, moins obsolète et bien plus satisfaisant. Cesser d'apprendre des choses intéressantes est la petite mort qui conduit à trouver son travail totalement vide de sens.

Un travail correctement rémunéré

Les discours sur l'engagement et la quête de sens par de nombreuses entreprises sont une commode et économique manière de passer un sujet essentiel à la trappe : la rémunération. Il est évident que ce n'est pas l'argent qui rend le travail agréable et ce ne saurait être son seul but. Mais l'absence d'une rémunération convenable est en revanche un facteur quasi systématique de désengagement et de frustration en entreprise. C'est une condition qui n'est malheureusement pas toujours aisée à remplir selon les secteurs d'activité.

Toutefois, le prérequis est déjà de vouloir partager les gains. Une correcte répartition des richesses créée par l'entreprise entre toutes les parties prenantes est la clé d'un développement durable et d'une relation apaisée. Elle évite d'un côté d'attirer des mercenaires assoiffés et de l'autre la frustration des personnes compétentes qui estiment ne pas recevoir leur juste rétribution.

Un management réellement opérationnel

Une organisation hiérarchique assez plate et légère est une première condition importante, mais un facteur clé de succès est d'avoir un management qui est réellement opérationnel. Le point n'est pas de dire que manager n'est pas un travail, mais quand on ne fait que cela, il se crée obligatoirement une distance avec l'équipe malgré toute la bonne volonté du monde. Il ne s'agit donc pas seulement de sourire et laisser sa porte ouverte ; il faut aller jusqu'au bout : faire le même métier que ses équipes plusieurs jours par semaine, être dans les mêmes bureaux, travailler dans les mêmes conditions. Cela conduit à un respect et une reconnaissance mutuelle entre les équipes et leur manager. Par ailleurs, ceci permet de mieux réaliser l'objectif de formation permanente : le premier travail d'un manager est de faire grandir ses équipes ; s'il peut lui même les former et transmettre son savoir faire, il crée un lien très fort avec ses équipes.

Un travail en équipe

Une entreprise n'est pas une simple mutualisation de moyens. C'est l'opportunité d'avancer plus loin et faire tellement mieux que la simple somme des individus. Le sentiment d'accomplissement d'un travail en équipe est très fort et permet également d'absorber les hauts et les bas de chacun. Cette solidarité au sein de l'équipe ne vient pas par hasard, elle se crée par la bonne composition de l'équipe, et donc dès le recrutement. Elle s'entretient également avec une animation au quotidien : valorisation de l'entraide et du partage de connaissance en particulier.

Une forte liberté d'action et une délégation réelle des tâches

Est-il utile de commenter les effets délétères du micro-management et du surcontrôle ? Alors qu'offrir initiative et autonomie aux personnes crée une forte dynamique bénéfique pour la qualité de vie de chacun et pour l'efficacité de l'entreprise. Cette autonomie passe par la liberté (de parole et d'action).

Une liberté méritée et un sens des responsabilités reconnus

Une liberté qui ne s'exprime pas aux dépens du collectif. En revanche, il est souvent oublié que la contrepartie est de jouer la carte de la transparence pour instaurer un climat de confiance mutuelle. Cette transparence doit être, de part et d'autre, l'effort que chacun fait pour être à la hauteur de la responsabilité qu'on lui confie et la liberté offerte.

Ceci fonctionne dans les deux sens – pas uniquement avec une remontée d'indicateurs, mais en ouvrant de manière transverse le fonctionnement et des décisions de chaque équipe et du management.

Une vie après le travail

Qu'ils sont nombreux les avertissements à ne pas mélanger vie pro et vie perso. Pourtant, il est pour la plupart vraiment plus simple d'affronter les difficultés ou les inévitables tensions avec des gens que l'on connaît vraiment. Ceci offre le droit à la franchise et la sincérité dans les relations. On évite cette gêne et cette fausse politesse où l'on ne se dit qu'à moitié les choses jusqu'à ce que cela explose ou génère des frustrations.

Alors oui, il peut être intéressant pour une équipe de passer beaucoup d'heures en dehors du travail ensemble – car il n'y a pas que le travail dans la vie. Dans des entreprises qui fonctionnent bien, beaucoup des collaborateurs ne sont pas que des collègues, mais de véritables amis. Il ne faut pas pour autant empiéter sur la vie privée et le souhait de chacun. Certains préfèrent cloisonner ou rester secret et cela doit se respecter au risque d'avoir une démarche sectaire.

La qualité de vie au travail ? C'est donc avant tout des actions à mener en amont pour prévenir des maux et cadrer un cadre propice à l'épanouissement plutôt que tenter vainement de les guérir avec des plans d'action QVT parachutés par la direction.


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