Pendant que beaucoup de Français étaient en vacances et que le marché crypto était calme, l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) n'a pas chômé. Elle a en effet délivré le 18 juillet dernier le premier agrément PSAN à Forge, qui n'est autre que la filiale blockchain de la Société Générale.

Un nouvelle importante pour deux raisons. La première, c'est qu'il s'agissait du tout premier agrément PSAN. La seconde, c'est que cet agrément PSAN n'a pas été délivré à n'importe qui. Filiale de la Société Générale, Forge représente le secteur de la finance traditionnelle, que l'on met traditionnellement en opposition au secteur crypto.

Or, nous remarquons depuis plusieurs années que, mis à part certaines banques fortement réticentes, la majorité d'entre elles s'impliquent de plus en plus dans le secteur. Au grand dam de ceux qui défendent l'esprit pionner de Bitcoin, à savoir la décentralisation et la désintermédiation des banques.

L'agrément PSAN, un prélude à l'agrément MiCA

Les différences entre enregistrement et agrément PSAN

Instauré par la loi PACTE en 2019, le statut PSAN (Prestataire de Service sur Actifs Numériques) se distingue entre l'enregistrement et l'agrément. L'un comme l'autre sont délivrés par l'AMF à des entreprises françaises ou étrangères.

L'enregistrement PSAN est obligatoire pour certaines entités travaillant dans le secteur crypto, notamment celles qui proposent l'échange de cryptos contre des monnaies traditionnelles (en gros, les plateformes d'échange) ou la conservation de cryptomonnaies pour le compte de leurs clients. Toutes les entreprises françaises et les entreprises étrangères visant explicitement le marché français sont obligées de l'obtenir avant de proposer leurs services. La première condition d'obtention du PSAN concerne les moyens mis en œuvre pour lutter contre le blanchiment d'argent.

Au contraire de l'enregistrement, l'agrément PSAN est facultatif jusqu'à l'arrivée du règlement européen MiCA. Il s'obtient si plusieurs critères supplémentaires sont remplis. En premier lieu, l'AMF analyse de manière approfondie la sécurité informatique du système, pour vérifier que l'entité met tout en place pour éviter les piratages. En second lieu, l'entité doit obtenir une assurance professionnelle pour couvrir le risque de son activité, ainsi qu'un seuil minimum de fonds propres. D'autres critères s'ajoutent à ceux-là, faisant de l'agrément PSAN un sésame très difficile à obtenir.

L'agrément MiCA, obligatoire dès 2025

Le règlement MiCA prévoit un agrément qui ressemble à celui délivré par l'AMF, à la différence près qu'il porte sur le marché européen. En d'autres termes, n'importe quelle entreprise crypto ou plateforme d'échange sera dans l'obligation d'obtenir cet agrément.

Les conditions d'obtention sont aussi exigeantes, si ce n'est plus, que celles de l'agrément PSAN. Ainsi, les moyens mis en œuvre concernant la lutte contre le blanchiment de capitaux, la sécurité des fonds, l'exigence de fonds propres et l'obligation de souscrire à une assurance professionnelle font partie des conditions pour obtenir cet agrément MiCA.

En outre, l'obtention de l'agrément n'est pas permanente et l'entreprise bénéficiaire est soumise à des audits réguliers pour renouveler cet agrément. En d'autres termes, il est clair que certaines entreprises du secteur pourraient avoir des difficultés à obtenir cet agrément et à la renouveler. Au grand bénéfice de la finance traditionnelle ?

La finance traditionnelle, une future mainmise sur le secteur de la blockchain ?

Une industrie bien mieux disposée à obtenir un agrément

On voit régulièrement des articles comme quoi le secteur bancaire et de la finance en général serait très réticent envers le secteur des cryptomonnaies. C'était vrai il y a cinq ans. Ça l'est encore pour certaines banques. Cependant, pour la majorité d'entre elles, cela n'est plus le cas.
C'est notamment (mais pas seulement) pour rassurer le secteur que le statut PSAN et le règlement MiCA ont été pensés.

Les conditions d'obtention de l'enregistrement PSAN sont à la portée de nombreuses entreprises (sans pour autant être simples), si tant est qu'elles mettent en place des mesures sérieuses de lutte contre le blanchiment d'argent. En revanche, celles des agréments PSAN et MiCA sont bien plus exigeantes. De ce point de vue, la majorité des entreprises du secteur ne remplissent pas les conditions, parfois contre leur gré. C'est par exemple le cas de l'assurance professionnelle en France, que de nombreux assureurs refusent de délivrer.

C'est la raison pour laquelle l'industrie de la finance traditionnelle est bien mieux armée pour obtenir un agrément. Le nom de Forge comme première entité agréée PSAN n'a donc étonné personne. Les banques et le secteur financier sont habitués à mettre en place de lourdes procédures de sécurité, à avoir des fonds propres et une assurance professionnelle, sans parler d'un système de sécurité optimal.

Aujourd'hui, entre une plateforme d'échange crypto et une banque qui n'a pas fait de la crypto son activité principale, la seconde aura bien plus de chance d'obtenir un agrément que la première.

Une industrie qui veut séparer la décentralisation de la blockchain

La finance traditionnelle est aussi en train d'éliminer ce qui lui pose beaucoup de problèmes dans le secteur crypto : la décentralisation. En effet, pour une banque, il est important de centraliser ses opérations et de ne pas laisser un réseau gérer cette activité à sa place. En d'autres termes, le secteur est prêt à utiliser la blockchain, mais veut avoir la mainmise sur les nœuds du réseau.

Avec l'arrivée de réglementations plus strictes et de la nécessité d'obtention d'un agrément, le législateur a en quelque sorte permis l'émergence d'un Web3 centralisé porté par la finance traditionnelle. Nous suivrons avec attention le nom des prochains agréés PSAN.


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