La publicité audio digitale capte des investissements publicitaires à des niveaux jamais connus. Si le montant reste faible (48 millions d'euros investis en publicité audio digital en France en 2021) comparé à d'autres leviers (693 millions pour la pub vidéo en ligne), la progression constatée depuis deux ans est considérable : +58% en 2021 comparé à 2020 et +143% comparé à 2019, indique le 27e observatoire de l'ePub du Syndicat des régies internet (SRI). Dans ce document référent, le marché de l'audio digital, jusque-là qualifié de naissant (2017 et 2018) et prometteur (2019), devient en 2021 un "segment en forte croissance combinant une forte demande à une offre riche et innovante".

La majorité des 48 millions d'euros investis ont été captés par les plateformes de streaming (47%) et les régies des radios (20%)

Dans le détail, la majorité des 48 millions d'euros investis ont été captés par les plateformes de streaming (47%) et les régies des radios (20%). Face à ce constat, une question s'impose : quelle place les autres éditeurs de contenus audio – dont les podcasteurs natifs – peuvent occuper dans ce marché ? Les éditeurs de presse peuvent-ils espérer s'accaparer une partie de ces montants en générant de nouveaux types d'inventaires, comme ils ont réussi à faire en vidéo ?

Pour Nicolas Thorin, directeur général d'Audion, network audio digital, tout dépendra de l'évolution des usages et de l'adoption plus ou moins massive de nouveaux types d'inventaires. "La monétisation de l'audio digital s'est construite en partie dans une logique de prolongement de la radio. Au fur et à mesure que le marché se rend compte que l'audio digital est un format à part entière, un nouveau pan du digital à explorer, les investissements se renforcent et on peut imaginer qu'ils se diversifient à l'avenir", anticipe-t-il.

Cela peut-il être le cas des podcasts, dont l'écoute et la production se développent, y compris chez les marques médias établies ? "La progression de la part des podcasters est importante mais elle est limitée par leur capacité de production et de progression en volumétrie d'audience", répond Nicolas Thorin. Ce spécialiste est aux premières loges pour observer les leviers de prédilection des annonceurs puisque son adnetwork rassemble l'offre de toutes les typologies d'acteurs de ce marché : plateformes de streaming (comme Spotify ou SoundCloud), chaînes radio (RMC, NRJ, RTL), podcasters natifs (Studio Biloba, Slate) et éditeurs en text to speech (Unify, Webedia et Prisma). Un frein qui est mis en exergue également par Sébastien Ruiz, directeur de GroupM Audio & Cinéma en France : "Les niveaux d'audience des podcasts natifs sont encore assez modérés, mais on espère que cela pourra progresser : tout l'enjeu est dans leur médiatisation pour les rendre connus." Pour pallier ce problème, des acteurs tel qu'Edisound proposent de renforcer la visibilité et l'écoute des podcasts natifs et de marque en les intégrant dans les pages des marques médias.

"La progression de la part des podcasters est limitée par leur capacité de production et de progression en volumétrie d'audience"

Mais il y a encore un autre frein à un changement véritable de statut de l'audio digital en tant que canal stratégique pour les marques : la tradition de considérer ce levier comme étant plutôt adapté aux objectifs mid et bas de funnel, une logique héritée de la radio et qui colle encore à la peau de l'audio. Une image pourtant devenue inexacte pour Sébastien Ruiz : "Les podcasteurs natifs offrent aux marque de nombreux formats répondants à des objectifs de construction de notoriété, de considération et de préférence – sponsoring, podcast de marque, chroniques cobrandées, etc… Notre travail en tant qu'agence est de montrer aux annonceurs que l'audio peut également les aider dans leurs objectifs de branding."

Un enjeu majeur pour les annonceurs, encore prudents face au peu de lisibilité de ce marché. "La dynamique d'investissements qui se crée autour de l'audio digital est indéniable mais elle est encore très peu stratégique : les solutions sont très innovantes et intéressantes, mais elles sont disséminées, fragmentées et il n'est pas encore possible d'en faire un levier stratégique comme on peut le faire avec la télévision ou l'affichage", commente Olivier Bacconet, directeur des investissements médias chez GroupM en France, qui projette pour 2022 une hausse de 35% des investissements en audio.  

Alors, comment donner à cette offre une structure et un volume qui parlent plus fortement aux annonceurs, au-delà des grands vainqueurs que sont déjà les plateformes de streaming et les chaînes radio en ligne ? Nicolas Thorin place une grande partie de ses attentes sur un canal émergent en particulier : le text to speech, tendance naissante de ce secteur. Adoptée récemment par des médias tels que le groupe Prisma ou Le Figaro, cette technologie, proposée par des acteurs comme Audion et ETX Studio, permet de mettre à disposition des lecteurs l'article en version sonore par voix de synthèse. "Le potentiel de monétisation de ce type d'inventaire est très important de par un volume qui peut vite devenir massif et une qualité d'emplacements contextualisés et brand safe. Tout dépendra de l'adoption qui en sera faite par les internautes", résume Nicolas Thorin. Une analyse partagée par nos interlocuteurs chez GroupM qui voient beaucoup de potentiel dans ce levier (parmi d'autres alternatives comme l'audio social), qui a de plus l'avantage d'offrir un ciblage contextuel affinitaire. À condition cependant que l'expérience soit suffisamment qualitative pour conquérir l'audience.


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