C’est un engouement : articles, reportages, réseaux sociaux, conversations entre amis, cours d’école et salles des profs… ChatGPT a fait une entrée tonitruante dans nos vies. Il y a ceux qui l’ont testé – 100 millions d’utilisateurs durant le seul mois de janvier, un record ! – ceux qui sont d’emblée séduits, ceux qui attendent de voir pour croire, et ceux qui, sans vraiment comprendre de quoi il s’agit, ont quand même leur avis sur la question. Tous les ingrédients sont là : nous sommes devant un phénomène de société.

Qui traduit un basculement, dont il faut bien mesurer l’ampleur. Alors que, jusqu’à présent, l’intelligence artificielle était souvent perçue comme « inquiétante », « menaçante », « prête à prendre le contrôle », plus encline à nous nuire qu’à nous aider, la voilà qui, en quelques semaines, bénéficie d’un trait d’image inédit : elle serait devenue sympathique, presque ludique. L’IA faisait peur ; on peut à présent jouer avec elle. Ce n’est pas rien.

Le paradoxe de cet engouement, c’est que, selon les experts, ChatGPT n’est pas une grande avancée technologique. Seulement, ce « simple » générateur automatique de contenu vulgarise tout ce qui se passe, depuis plusieurs décennies, dans le domaine du machine learning. Il rend concret pour le grand public les grandes avancées permises par l’intelligence artificielle : mise au point ultrarapide des vaccins contre le COVID-19, optimisation continue et fiabilisation des processus industriels, amélioration des services rendus aux citoyens par les administrations publiques… Des avancées bien plus enthousiasmantes que la production instantanée de dissertations pour lycéens en manque d’inspiration… mais aussi plus abstraites.

Avec le buzz autour de ChatGPT, nous constatons une fois encore que ce ne sont pas forcément les plus grandes innovations scientifiques et technologiques qui font bouger les lignes, mais celles qui arrivent à frapper et mobiliser l'opinion. Finalement, ChatGPT, en faisant abondamment la une des journaux, a fait plus pour la promotion des avancées technologiques que toutes les grandes campagnes de sensibilisation. Si la technologie permet la viralité, la viralité sert aussi en retour la technologie !

ChatGPT écrit, mais a fait surtout parler de nouveau, en bien, d’innovation et de progrès. C’est peut-être là sa première vertu, au cœur d’une époque marquée par la défiance et le scepticisme envers la science, la technologie, et l’idée de progrès.

A nous d’en tirer les enseignements pour que le génie humain ait meilleure presse. C’est vital, car sans la science, sans une adhésion citoyenne plus forte aux évolutions qu’elle permet, nous n’arriverons pas à mener à bien les grandes transformations, ni à affronter les grands défis, qui sont devant nous. Quelques exemples : sans les clean tech, nous ne pourrons pas réinventer nos moyens de produire de l’énergie ou de nous déplacer pour réduire notre empreinte environnementale. Sans la technologie, qui vient transformer comme jamais la mise en lien entre les personnes, ou encore les opérations logistiques, nous ne pourrons pas faire la promotion d’un commerce plus durable, reposant pour une grande part sur la seconde main. Sans la diffusion de la robotisation, à l’instar de ce qui se fait déjà au Japon, nous ne pourrons pas absorber ce choc que va être pour nos sociétés le vieillissement de la population. Fintech, edtech, foodtech… la liste des secteurs en ébullition est longue, et grandit chaque jour.

Notre avenir dépend de la science, et du progrès. Il était temps donc qu’un algorithme vienne nous redire cette vérité.


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