JDN. Vous venez d'être réélu président du Geste. Quelles sont vos priorités ?

Bertrand Gié, directeur du pôle news du groupe Figaro et président réélu du Geste. © Geste

Bertrand Gié. Le Geste progresse dans ses missions, il a de plus en plus de poids et il est régulièrement sollicité par les institutions quand il s'agit de prendre des décisions importantes pour notre secteur. Notre priorité, c'est de continuer d'aider les éditeurs de contenus en ligne à exercer le mieux possible leur métier dans un environnement technologique et juridique très mouvant. Quatre sujets sont en haut de la pile : la privacy et le renforcement de la sécurité juridique de nos industries, la concurrence et le partage de la valeur, l'IA et enfin la monétisation publicitaire, qui cette année est marquée par la préparation et l'accompagnement de nos éditeurs à la disparation des cookies tiers.

Que pensez-vous justement de l'adoption par la Commission européenne du nouveau cadre transatlantique pour les transferts de données entre l'UE et les Etats-Unis ?

C'est une étape qui était attendue depuis la signature par Joe Biden du décret exécutif qui formalisait l'accord de principe négocié avec Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. Cette validation va nous permettre, à nous éditeurs en ligne, de travailler plus sereinement, notamment avec Google Analytics, même si nous savons déjà que cette décision risque fort d'être contestée par des associations de la société civile. Tout ce que nous souhaitons, c'est avoir des règles claires pour exercer nos métiers sereinement.

Vous parliez du partage de la valeur. Les Echos-Le Parisien, Le Figaro et Le Monde ont déposé cette semaine une action en justice contre Twitter devant le Tribunal judiciaire de Paris pour non-application de la loi sur les droits voisins. Quel est votre avis sur cette initiative ?

Le Geste milite pour l'application et le respect de la loi et des droits, dont le droit d'auteur. Ces trois acteurs que vous mentionnez, s'ils font une action en référé, c'est qu'ils considèrent que Twitter ne respecte pas la loi. Concernant plus généralement la concurrence et le partage de la valeur, nous nous concentrons sur l'entrée en vigueur du DMA (pour Digital Markets Act, législation européenne sur les marchés numériques qui encadre l'activité des grandes plateformes digitales, ndlr), dont l'entrée en vigueur suppose que nous mettions en place des stratégies pour que les éditeurs en ligne puissent en tirer pleinement parti.

Que pensez-vous de la décision de la CE courant juin d'adresser à Google une communication de griefs selon laquelle ce dernier fausse la concurrence dans le secteur et que seule la cession d'une partie de ses services permettrait de régler ce problème ? 

Le Geste milite pour un juste partage de la valeur par le numérique en général et les plateformes en particulier. Il est difficile à ce stade de commenter ce sujet qui est très complexe. Si les autorités compétentes considèrent que certaines structures ne permettent pas une répartition juste de la valeur, notre job c'est de contribuer en dénonçant des situations de distorsion. En illustrent nos plaintes en cours contre Apple auprès de l'Autorité de la concurrence française ainsi que notre class action en Californie.

Les éditeurs de presse et sites d'information ont vu leurs revenus publicitaires fondre de 10% ce premier semestre 2023 comparé à la même période de l'année précédente. Comment analysez-vous cette situation ?

Les sites d'actualité ont réussi un travail remarquable de transition vers le digital de leur organisation et de leurs audiences. Le retour en termes de recettes publicitaires n'est pas toujours à la hauteur des efforts déployés. C'est un problème qui n'est pas nouveau : c'est toute la question du modèle de financement de sites d'actualité en France qui se pose, à un moment où leur importance pour la société est plus que jamais renforcée, ne serait-ce face à la prolifération des fake news et la menace de l'IA générative sur la qualité du contenu qui circulera. La publicité ne suffit pas pour financer le développement de la plupart des sites d'actualité, et c'est dommage. Cela explique tous les efforts qui sont déployés pour développer des abonnements. A noter également que ces marques médias évoluent vers l'omnicanalité, l'idée étant de toucher leurs audiences sur l'ensemble de canaux et des formats, y compris sur l'audio et la vidéo. Cela a pour conséquence d'élargir les sources de revenus publicitaires.

Concernant l'IA générative, le Geste étudiait la piste du protocole TDMRep pour imposer aux moteurs d'entraînement d'IA un droit d'accès aux contenus des éditeurs. Où en êtes-vous ?

Nous continuons d'analyser et de partager les expériences d'implémentation de ce protocole. Nous n'avons pas encore tiré de conclusions définitives. Plus largement, nous continuerons d'organiser des cycles de conférence réguliers pour sensibiliser nos membres aux opportunités, aux menaces et aux impacts économiques et juridiques de l'IA générative sur nos activités.


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