JDN. Eutopia a bouclé son closing final à 100 millions d'euros au mois de décembre 2020. Quels sont vos objectifs d'investissement dans les mois et années à venir ? 

Antoine Fine, managing partner et co-fondateur d'Eutopia. © Eutopia

Antoine Fine. Nous avons lancé la société de gestion en janvier 2019. Nous avons réalisé cinq closings depuis notre émancipation du family office Otium Capital, échelonnés entre 2019 et 2020. Notre fonds de 100 millions d'euros doit être investi au cours des trois années et demi à venir, à raison d'environ quatre deals par an et deux deals la dernière année. Pour l'heure, nous avons mené dix deals en à peu près deux ans et il nous reste à peu près le même nombre à réaliser dans les deux ans restants.

Nous sommes intéressés par tous les secteurs de la grande consommation mais nous nous positionnons là où les enjeux existent pour repenser le modèle. Nous faisons des analyses sectorielles en amont pour identifier ce qui est susceptible de nous intéresser. Nous recherchons des entreprises capables de s'auto-financer, de se développer, de servir du rendement à leurs actionnaires. 

En tant que spécialiste des marques digitales, quel regard portez-vous sur leur essor en 2020 pendant la crise ?

Nous avons affronté un changement de contexte en 2020 qui n'a pas réellement freiné notre plan, au contraire. Aujourd'hui, nous sommes tous conscients qu'il faut prendre soin de sa santé, de la planète, et cette prise de conscience s'accompagne d'un changement des modes de consommation. Quelle entreprise a fabriqué nos vêtements ? D'où proviennent les matières utilisées ? Comment est pensé le packaging ? Ces questions confirment la posture du consommateur engagé. 

Chez Eutopia, nous évoluons sur ce créneau depuis 2015 et nous avons constaté une accélération de ces tendances cette année. Les marques engagées étaient déjà dynamiques avant la crise mais elles ont surperformé en raison du rejet de ce qui représente le monde d'avant. Les nouvelles marques sont considérées plus authentiques et en phase avec les attentes des consommateurs. Nous avons enregistré une croissance de 80 à 90% des business digitaux de nos sociétés. Au total, nous réalisons 50% de croissance sur nos sociétés au cours des trois premiers trimestres 2020 par rapport à 2019 même s'il y a des disparités d'une marque à l'autre. La crise a renforcé deux de nos piliers, qui sont les marques engagées et les marques digitales. 

En 2015, la France ne comptait pas autant de DNVB qu'aujourd'hui. Comment vous adaptez-vous à cette multiplication des marques ? Comment décidez-vous d'investir dans telle ou telle marque, en cosmétique par exemple où le choix est vaste ?

Effectivement, la profondeur de marché des marques digitales était questionnable en 2015 lorsque nous avons lancé Eutopia. Le taux de conversion était plus élevé que le taux actuel et désormais les opportunités pour nous ne manquent pas. Aujourd'hui, c'est devenu très facile de lancer sa marque, notamment via Shopify. Il n'y a plus de barrières à l'entrée, et c'est positif. Toutefois, ces nouvelles marques se lancent avec le risque de toutes se ressembler. Pour y faire face, nous avons investi dans Oh My Cream, la référence de la distribution des marques clean en cosmétique. Dans ce cas, le distributeur sélectionne les marques engagées et les meilleurs produits. En cosmétique, étant donné la nébuleuse de marques, nous préférons nous positionner sur l'enseigne à travers Oh My Cream, et non pas sur la marque. Malgré l'approche "directe aux consommateurs" prônée par les DNVB, ces derniers se retrouvent parfois perdus parmi des marques d'une même catégorie. Chez Eutopia, nous croyons à la fois aux revendeurs comme Oh My Cream, aux marketplaces spécialisées comme I Make, et bien sûr aux marques digitales en direct. 
Nous croyons à l'omnicanalité et nous ne défendons pas uniquement la DNVB 100% digitale. Le modèle en direct peut fonctionner s'il y a une vraie largeur de gamme comme chez Tediber, Polène ou les modèles d'abonnement comme Ultra Premium Direct en petfood et la lessive Spring. 

Diplômé de HEC, Antoine Fine opère chez Lazard de 2003 à 2009, comme directeur d'investissement dans l'activité private equity mid market. De 2010 à 2015, il est entrepreneur : il crée notamment une gamme de snacking sain, revendue au groupe Solinest, et monte un véhicule d'impact investing destiné à la Libye post Printemps arabe. En 2015, il rejoint comme associé le family office Otium. Il y crée une branche dédiée aux consumers start-up, qui s'émancipera en 2019 sous le nom d'Eutopia. Il est administrateur de nombreuses sociétés parmi lesquelles Même, Hapik, Oh My Cream, Feed, Teddybear. 


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