Outre-Atlantique, c'est devenu le sujet du moment. L'Universal scene description (USD) a de grandes chances de devenir le standard des métavers. Mais évidemment pas des métavers d'aujourd'hui, ces jeux vidéo améliorés à l'instar de Roblox, Fortnite ou Minecraft, mais bien de ceux de demain, ces grands mondes virtuels dont Meta s'est fait le porte-drapeau. Issu de 20 ans de R&D chez Pixar, l'USD est un format conçu historiquement pour designer les scènes 3D des films d'animation du studio américain, avec leurs objets, leurs couleurs, leurs textures… "Il est disponible en open source (sous licence Apache, ndlr) depuis 2016, ce qui lui confère une accessibilité exceptionnelle", salut Colin Laubry, développeur logiciel sénior et expert en USD.

L'USD est déjà présenté par les spécialistes comme la brique idéale pour devenir le HTML des métavers. "A l'image du HTML pour le web, il intègre les éléments de base pour construire une scénographie 3D avec tous ses composants. Mais aussi à l'instar du HTML avec CSS et JavaScript, il est extensible", explique Damien Fagnou, directeur logiciel sénior chez Nvidia. L'USD s'accompagne en effet d'un framework combinant API et kits de développement pour l'enrichir d'effets et de briques graphiques.

Design collaboratif

Très vite, le secteur de la 3D s'est saisi du sujet. Résultat : de plus en plus d'outils de création 3D supportent l'USD. C'est le cas de Maya, ou encore de Blender et d'Adobe Substance (qui en gèrent l'import-export). "En le publiant en open source, nous souhaitions que ce moteur de composition de scène 3D devienne le standard qu'il est devenu. C'était particulièrement important pour nous dans l'optique de communiquer avec nos multiples partenaires dans marchandising, le jeu etc.", précise au JDN Sebastian Grassia, en charge du projet USD au sein de Pixar Animation Studios. "Parmi ses principaux points forts, l'USD permet à plusieurs équipes de graphistes d'intervenir simultanément sur la même scène via des calques différents avec chacun leur rôle : décrire l'environnement, les personnages, les animations, les effets spéciaux, la lumière… Et ce sans altérer le travail des autres intervenants sur d'autres calques. Ce qui permet à chacun d'avancer à son rythme."

"Si on me demandait d'évaluer un socle technique pour le metavers, USD serait le premier format que j'évaluerais"

"Vu la vague d'adoption de l'USD, il est clair que c'est un bon candidat" pour devenir le standard des métavers", estime Alessandro Bernardi, directeur des opérations technologiques du studio Helix d'Ubisoft. Et Charles Flèche, développeur sénior chez Ubisoft, de renchérir : "USD était déjà implémenté par l'ARKit d'Apple. En plus, Autodesk est récemment parvenu à l'implémenter dans un navigateur web en le compilant en WebAssembly. Ce qui change tout. Si on me demandait d'évaluer un socle technique pour le metavers, USD serait le premier format que j'évaluerais." Le standard est livré avec un composant (ou viewport) pour se brancher potentiellement sur n'importe quelle infrastructure de rendu 3D. Résultat : les moteurs d'Ubisoft ne sont pas les seuls à le supporter. C'est aussi le cas de d'Unreal ou encore d'Houdini. "Sachant qu'on bénéficie des mêmes performances que celles du moteur de rendu de Pixar (RenderMan, ndlr) utilisé par le studio pour la production en images de synthèse", reconnait Alessandro Bernardi.

Le navigateur web parmi les cibles

"Il est évident que les metavers vont d'abord s'imposer par le biais du web et des écrans de jeux. Les casques de réalité augmentée, ce sera pour plus tard", estime de son côté Damien Fagnou chez Nvidia. Persuadé que l'USD deviendra la brique de base des métavers, le géant des processeurs graphiques commercialise depuis plusieurs années déjà une plateforme de développement 3D adossé à ce langage : Nvidia Omniverse. Comme Autodesk, Nvidia entend bien apporter sa pierre aux futurs navigateurs qui implémenteront l'USD. "Les terminaux seront délestés des calculs du rendu 3D qui seront gérés en mode cloud, par exemple via notre moteur GeForce Now", affirme Damien Fagnou. "Une fois les traitements graphiques réalisés, les images seront poussées vers les navigateurs en streaming. On accédera ainsi aux métavers exactement de la même manière qu'on joue à Fortnite."

"On accédera aux métavers exactement de la même manière qu'on joue à Fortnite"

Reste que l'USD ne présente pas tous les éléments nécessaires à la création d'un métavers, du moins nativement. C'est notamment le cas du level-of-detail (LOD) qui attribue à un objet graphique des niveaux de détail différents en fonction de l'angle et de la distance. "Or, c'est actuellement l'une des clés de la performance des moteurs de rendu 3D", explique Charles Flèche. Autres éléments absents : la gestion fine des courbes d'animation, ainsi que le rigging pour gérer les contraintes de mouvements des personnages et d'autres composants graphiques. L'USD étant extensible, les studios peuvent combler ces carences en ajoutant leurs propres spécifications. "Pour parvenir à un standard qui puisse être implémenté par tous, les acteurs de l'industrie vont petit à petit se mettre d'accord pour que ces schémas de données additionnels deviennent communs", ajoute Charles Flèche. "Le mouvement a déjà commencé. Récemment, Apple, Nvidia et Pixar se sont par exemple mis d'accord autour d'un schéma pour représenter les collisions. Depuis, ce schéma a été intégré à USD."

USD vs GITF

Open source, extensible et standard, USD a tous les atouts pour fédérer la future communauté gravitant autour des mondes virtuels. "Les métavers impliqueront de créer du contenu en masse. Il faudra faire appel à des dizaines, voire des centaines de studios, des indépendants. Ce qui engendrera nombre d'échange de fichiers. Dans ce contexte, l'USD jouera un rôle de facilitateur. Pour gérer les centaines de milliers, voire les millions d'assets des métavers, tout le monde devra parler le même langage de réalisation", martèle Colin Laubry. Et Sebastian Grassia chez Pixar d'ajouter : "Si l'objectif est de créer de grands mondes interactifs, mais aussi d'échanger des assets entre ces mondes et de faire collaborer une communauté de créatifs nombreuse, je pense que l'USD est une réponse assez unique", conclut Sebastian Grassia chez Pixar. Exit donc le GlTF, considéré comme la principale alternative, qui n'est, lui, qu'un format de publication.


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