Maintenant qu'ils ont verrouillé la monétisation de leurs audiences Web, à renfort d'emplacements de search sponsorisé et autres bannières en colonne de droite de leurs propres sites, les retailers français ont un nouvel objectif : travailler le volet extension d'audience. En clair, l'activation de leurs données dans des environnements publicitaires qui ne leur appartiennent pas, sur Facebook, Google ou sur l'open Web. C'est important à plusieurs titres. D'abord pour remédier à un reach organique qui est, certes important, mais pas forcément comparable aux mastodontes du marché. Les trois retailers les mieux lotis de ce point de vue – Casino, Fnac-Darty et Carrefour – culminaient respectivement à 23,6, 19,5 et 16 millions de visiteurs uniques (VU) en septembre 2021, selon Médiamétrie//Netratings. Des audiences qui les situent dans le ventre mou du top 50 français, assez loin de médias comme Figaro-CCM Benchmark, Vivendi – Prisma Media, TF1 ou Web 66 qui cumulent chacun plus de 30 millions de VU.

"Faire de l'extension d'audience, c'est le seul moyen d'entrer dans les plans médias de ces annonceurs hors captifs"

"Faire de l'extension d'audience est évidemment un moyen d'augmenter notre reach à l'instant T", reconnait Alexandra Suire, la directrice de Retailink, la régie de Fnac – Darty. C'est notamment pratique pour toucher cet internaute que la Fnac a qualifié comme intentionniste, parce qu'il a consulté une page produit d'une marque qui a une campagne média en cours chez l'e-commerçant, mais qui ne semble pas résolu à revenir sur le site de la Fnac. "Plutôt que d'attendre qu'il revienne sur le site dans le délai imparti, on peut essayer de le toucher sur d'autres sites." Rien de bien nouveau sous le soleil, nous direz-vous. "La plupart des régies e-commerce proposent de l'extension d'audience depuis leurs débuts", rappelle Alexandra Suire. Mais l'offre des retailers a sans doute gagné en médiatisation et en attractivité en même temps que les marques lançaient le chantier du "cookieless". Avec un argument de poids : des millions d'encartés et la donnée transactionnelle qui va avec.

Car Facebook a beau savoir qui vous êtes et Google ce que vous cherchez, seul le retailer est capable, à date, de savoir ce que vous achetez. Un site comme la Fnac est capable, en fonction des typologies de jouets que vous achetez, de déterminer l'âge de vos enfants. Un autre comme Darty est, lui, capable d'identifier un moment de vie : l'arrivée d'un nouveau-né ou un déménagement, deux étapes marquées par la réalisation d'achats électroménager bien spécifiques. Et autant d'informations susceptibles d'intéresser des annonceurs aux poches bien pleines – la banque, l'énergie ou l'automobile – mais dont on imagine mal les pubs apparaître directement au sein des sites e-commerce concernés.

"Tout l'intérêt pour les marques, c'est de pouvoir utiliser cette data très riche sur des sites qui proposent un bien meilleur cadre de diffusion, parce qu'il s'agit d'un média établi ou parce qu'il s'agit d'un site proposant des formats publicitaires avec une meilleure visibilité", confirme Erwan Lohezic, PDG de 3qtz, structure qui accompagne les marques dans leurs projets en marketing digital. "Faire de l'extension d'audience, c'est le seul moyen d'entrer dans les plans médias de ces annonceurs hors captifs", résume Alexandra Suire. Des plans médias qui font la part belle à l'awareness et à la vidéo, format dans lequel les annonceurs investissent aujourd'hui beaucoup d'argent. Le format vidéo pesait pour 45% du marché du display au premier semestre 2021, en hausse de 57% sur un an, selon l'Observatoire de l'epub.

"Il a fallu recruter pour couvrir le secteur des agences médias"

Mais pour accéder à un tel gisement de croissance, il faut savoir évoluer. Et notamment muscler ses équipes commerciales, en y introduisant des pôles de collaborateurs dédiés aux principales agences médias, comme le font les régies médias traditionnelles. Une mue pas toujours évidente. "C'est vrai qu'on couvrait moins le secteur des agences médias parce qu'on était concentré sur nos fournisseurs. Il nous a fallu recruter", reconnait Alexandra Suire. "Même Facebook et Google sont passés par cette phase de restructuration des équipes pour croître", observe Erwan Lohezic.

Faire de l'extension d'audience, cela implique également de muscler son stack, avec l'ouverture d'un siège acheteur au sein d'une technologie d'achat programmatique de type demand-side platform (DSP). Qu'il s'agisse de DV 360 de Google ou Xandr. Mais aussi de savoir sortir des sentiers battus. Si les retailers peuvent promettre aux annonceurs captifs de démontrer la performance de leur inventaire publicitaire en isolant un incrément sur les ventes qu'ils génèrent chez eux, ils ne peuvent pas faire de même pour les banquiers, fabricants automobiles, qui devront, eux, se contenter de KPI ad centric, comme la visibilité, le taux de clic ou la complétion. Le volet extension d'audience ne représente à date qu'une petite partie des revenus de Retailink… mais il s'agit de son premier levier de croissance en 2022.


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