[Mise à jour du vendredi 9 décembre 2022 à 18h38] L'épineux dossier de la réforme des retraites s'annonce comme le grand débat de l'hiver. En effet, la Première ministre Elisabeth Borne doit présenter jeudi 15 décembre un texte définitif aux partenaires sociaux. Cette date correspond à la fin de la concertation entamée au mois d'octobre avec les syndicats et les différentes organisations patronales. La cheffe du gouvernement compte présenter mi-janvier un texte en Conseil des ministres avant un examen au Parlement au printemps 2023, pour une application dès l'été suivant.

Sur le fond, Emmanuel Macron a réaffirmé mercredi 7 décembre, lors d'un dîner à l'Elysée, avec les ténors de la majorité et plusieurs membres du gouvernement, son intention de repousser l'âge de départ à la retraite à 65 ans. "J'ai reçu mandat de reculer l'âge de départ à 65 ans", a martelé le président de la République. Une déclaration qui a suscité l'ire des syndicats qui fustigent "une décision prise d'avance" alors que la concertation, à laquelle ils participent, n'est pas encore terminée. L'ensemble des organisations de salariés ont d'ailleurs réaffirmé leur opposition commune face à cette proposition de faire reculer l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans. Des mouvements de grève et de manifestations sont prévus en France en janvier si l'exécutif campe sur sa position.

Sur la forme, le gouvernement n'a pas encore tranché officiellement sur la méthode à appliquer pour faire passer la réforme. Selon des informations dévoilées par Le Parisien et LCI, l'exécutif souhaite faire adopter le texte en l'intégrant à un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif (PLFSSR). L'avantage de cette solution est de pouvoir avoir recours à l'article 49.3 de la Constitution (qui permet de faire passer une loi sans vote du Parlement) et de garder la possibilité d'utiliser de nouveau cet article pour un autre texte de son choix. Pour rappel, le 49.3 peut être utilisé autant de fois que souhaité pour un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, ce qui serait le cas ici. En revanche, l'exécutif ne peut y recourir qu'une seule fois par session sur un autre projet ou proposition de loi.

Toutefois, cette méthode ne fait pas l'unanimité au sein de la majorité et de ses alliés. Certains parlementaires préféreraient éviter un recours supplémentaire à l'article 49.3, préconisant davantage la voie de la négociation. Cela permettrait d'éviter le conflit social, ainsi que les risques d'exposition à une possible motion de censure déposée par les parlementaires de l'opposition.

Pour l'heure, la Première ministre, Elisabeth Borne s'est dites prête à faire des concessions. Lors du dîner à l'Elysée, la cheffe du gouvernement a notamment évoqué "un report de l'âge de départ à la retraite à 64 ans en contrepartie d'un allongement de la durée de cotisation".

Quelles sont les générations concernées par le décalage de l'âge légal de départ à la retraite ?

La réforme des retraites ne concerne pas les retraités actuels. Ces derniers sont partis en retraite à 62 ans comme le stipule actuellement la loi. Si le texte est bien adopté à l'été 2023, comme le prévoit l'exécutif, alors les personnes nées entre le 1er juillet et le 1er décembre 1961 seront les premières impactées par le report de l'âge légal de départ en retraite.

Concrètement, pour relever progressivement l'âge de départ en retraite, l'exécutif veut augmenter la durée minimale de travail de 4 mois par an. ce dispositif permettra d'atteindre l'âge symbolique de 64 ans en 2027, puis 65 ans en 2031.

Voici le calendrier qui pourrait voir le jour avec la réforme des retraites :

  • En 2023 : les retraités nés en 1961 devraient partir à 62 ans et quatre mois.
  • En 2024 : les retraités nés en 1962 pourraient partir à la retraite à 62 ans et huit mois.
  • En 2025 : la génération 1963 devrait attendre 63 ans
  • En 2026 : la génération 1964 devrait attendre 63 ans et quatre mois
  • En 2027 : la génération 1965 devrait attendre 63 ans et huit mois
  • En 2028 : la génération 1966 devrait attendre 64 ans
  • En 2029 : la génération 1967 devrait attendre 64 ans et quatre mois
  • En 2030 : la génération 1968 devrait attendre 64 ans et huit mois
  • En 2031 : les générations nées à partir de 1969 devraient partir à 65 ans

Cette mesure vise notamment à allonger la durée moyenne de cotisations des travailleurs. Avec cette réforme l'exécutif cherche à réduire le coût du système de retraite qui représente, dans son état actuel, une dépense de 332 milliards d'euros chaque année, soit 14,5% du Produit Intérieur Brut (PIB), selon le Conseil d'Orientation des retraites. Notez que la réforme initiée par le gouvernement prévoit des exceptions sur le recul de l'âge de départ en retraite pour les travailleurs ayant eu des carrières longues ou des métiers à forte pénibilité.

De leur coté, les syndicats s'opposent unanimement au report de l'âge de départ à la retraite. Ils arguent des enquêtes de l'Insee qui attestent que l'espérance de vie après 65 ans est beaucoup moins longue chez les personnes les plus modestes. Elle était, par exemple, de 15,8 ans pour les 5% d'hommes présentant le niveau de vie le plus faible et de 21,8 ans pour les 5% les plus favorisés, sur la période 2012-2016. Autre grief, porté cette fois par des professionnels du secteur des assurances : "le report de l'âge légal de départ en retraite au delà de 64 ans pourrait faire grimper le nombre d'arrêts de travail et in fine le niveau des cotisations prévoyance", redoute Philippe Delerive, directeur gestion du risque et assurances du groupe Exponens, interrogé par Capital. Une telle situation pèserait lourd sur le budget de la sécurité sociale ce qui pousserait l'exécutif à augmenter les charges salariales et patronales.

Age pivot et bonus-malus : comment ça marche ?

En vue d'inciter les Français à travailler plus longtemps, l'exécutif veut mettre en place un âge d'équilibre fixé à 65 ans, avec un mécanisme de décote ou de surcote de la pension de retraite. Concrètement, si l'assuré prend sa retraite après cet âge, sa pension pourra bénéficier d'une majoration de 5%. A l'inverse s'il part en retraite avant l'âge pivot, sa pension serait minorée de 5%.

La réforme des retraites va t-elle mettre fin aux régimes spéciaux ?

Depuis le 15 novembre, l'exécutif et les partenaires sociaux planchent sur la question des régimes spéciaux. Pour rappel, la France compte actuellement 37 régimes de retraite (régime général, complémentaires, régimes spéciaux). Parmi eux, on dénombre 15 régimes spéciaux. Sur les 16,9 millions de retraités que compte la France, environ 4,2 millions bénéficient de ces particularités, selon la Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques (DREES). Il s'agit notamment des agriculteurs, des militaires, des fonctionnaires, des indépendants, des professions libérales… En fonction du régime spécial, les affiliés jouissent de certains avantages au titre de la pénibilité de leur métier. Ils peuvent notamment partir plus tôt à la retraite, cotisent moins longtemps que les travailleurs du régime général, et touchent des pensions de retraites plus élevées.

Dès 2019, le gouvernement avait fait part de son intention de supprimer les régimes spéciaux afin d'aboutir à la création d'un système universel de retraite par points, où chaque euro cotisé donne accès aux mêmes droits pour tous, quel que soit le métier pratiqué. Cette déclaration avait provoqué un tollé chez les cotisants des régimes spéciaux. Désormais l'exécutif envisage de mettre en place la "clause du grand-père". En clair, il s'agit de fermer, dès 2025,  l'accès aux régimes spéciaux de retraite pour les nouvelles embauches qui intègrent les professions concernées jusque-là. Ainsi, les plus anciens conserveront le régime spécial pour lequel ils cotisent depuis des années, tandis que les nouveaux entrants ne pourront pas y avoir droit. Seuls les salariés qui, en 2020, étaient à moins de 17 années de la retraite échapperont au régime universel et resteront rattachés à leur régime spécial.

Les assurés ne seront pas affiliés au nouveau régime universel et conserveront leurs avantages liés au régime spéciaux s'ils sont nés avant :

  • Le 1er janvier 1975 ; pour la plupart des régimes spéciaux.
  • Le 1er janvier 1977 ; pour les salariés du Port de Strasbourg
  • Le 1er janvier 1980 ; pour les salariés de la SNCF, RATP, IEG, Banque de France, choristes et certains personnels de l'Opéra de Paris, Comédie Française et Ouvriers de l'Etat.
  • Le 1er janvier 1982 ; pour les mineurs et les foreurs.

En revanche, l'exécutif s'est engagé, à travers la voix du ministre du Travail Olivier Dussopt, à ne pas toucher à certains régimes spéciaux, comme celui des marins, des dockers et des danseurs de l'Opéra de Paris.

Vers une meilleure prise en compte de la pénibilité ?

Caissières, ouvriers de l'industrie ou du BTP, agents d'entretien, aides à domiciles, gardiens d'immeubles, infirmières… Dans le privé comme dans la fonction publique, beaucoup de métiers sont soumis à des conditions de travail difficiles. Dans sa réforme, le gouvernement affirme vouloir prendre davantage en compte la pénibilité au travail afin de permettre aux professionnels de partir à la retraite avant l'âge légal.

Avec le C2P (compte professionnel de prévention) la loi permet actuellement aux salariés d'accumuler des points selon leur exposition à 6 critères de pénibilité : le travail de nuit, en équipes alternantes, en milieu hyperbare (sous l'eau), les gestes répétitifs ou encore les expositions aux bruit et aux températures extrêmes (froides ou chaudes). S'ils sont soumis à un ou plusieurs de ces critères de pénibilité les salariés obtiennent des points et peuvent les dépenser pour se former, passer à temps partiel, ou partir plus tôt à la retraite. Il est possible d'accumuler jusqu'à 8 points dans une année, et 10 sont nécessaires pour avancer sa retraite d'un trimestre. Néanmoins, il est impossible de cumuler plus de 100 points dans une carrière, d'autant que les 20 premiers doivent obligatoirement être dédiés à la formation. Un maximum de 80 points peut donc être utilisé pour partir plus tôt, ce qui représente seulement 8 trimestres, soit deux années de retraite gagnées. A ce jour, seules 9 596 personnes ont pu utiliser leur C2P pour anticiper leur départ à la retraite, selon les données transmises par le ministère du Travail. Le dispositif bénéficie donc à très peu de travailleurs.

Afin d'élargir l'efficacité du C2P, le gouvernement veut ajouter trois autres critères de risques professionnels : les postures pénibles, le port de charges lourdes et les vibrations mécaniques. Ces facteurs de pénibilité existaient déjà dans un ancien dispositif baptisé le C3P (compte professionnel de prévention de la pénibilité) avant qu'Emmanuel Macron ne les supprime, en 2017, au moment de son accession à l'Elysée…

Système de retraite par points : comment ça fonctionne ?

Le futur système de retraites envisagé initialement est un système par points. Le système de retraite à points (ou retraite par points) fonctionne de la manière suivante : un actif cotise et accumule chaque année un nombre de points transformé ensuite en pension mensuelle une fois l'âge de la retraite atteint. Avec ce système, chaque personne faisant partie de la population active dispose d'un compte sur lequel les points sont additionnés.

Les points sont par la suite transformés en une somme d'argent que le retraité recevra chaque mois. Le passage des points à une pension se fait via un coefficient de conversion qui peut prendre en compte plusieurs facteurs tels que le nombre d'années cotisées ou encore l'espérance de vie moyenne du pays. Lorsqu'un salarié part à la retraite, sa pension correspond donc au nombre de points acquis durant sa vie active multiplié par la valeur du point en vigueur à la date du départ à la retraite.

Le régime général français et les régimes complémentaires (Agirc et Arrco) fonctionnent de cette façon. Le système de retraite français actuel est un régime de retraite par répartition.

La pension de retraite minimale augmentée ?

L'autre mesure phare de la réforme des retraites consiste à rehausser la retraite minimum pour une carrière complète. Le président de la République avait promis, dans le cadre de la campagne présidentielle, de porter ce minimum à 1 100 euros. Depuis, la concertation avec les partenaires sociaux a eu lieu et la Première ministre, Elisabeth Borne, a d'ores et déjà annoncé que la pension minimale de retraite s'élèvera à 1 200 euros net par mois.

Vous envisagez de quitter la France pour vos vieux jours ? Consultez notre dossier dédié : 




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