Alors que la mobilisation contre la réforme des retraites se poursuit, l'exécutif a invité l'intersyndicale à échanger. C'est à Matignon que seront attendus les responsables syndicaux en début de semaine prochaine, Elisabeth Borne leur ayant proposé trois dates, lundi 3, mardi 4 ou mercredi 5 avril (avant, donc, la onzième journée de grève et de manifestations prévue par l'intersyndicale jeudi 6 avril), sans fixer d'ordre du jour. 

Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a assuré qu'il s'y rendrait, et qu'il comptait bien aborder avec la Première ministre les retraites, et notamment le recul de l'âge légal de départ. "Si on me dit 'vous ne pouvez pas en parler', il faudra sortir. Mais on va parler des 64 ans. On va parler de ce qui se passe aujourd'hui dans notre pays", déclare-t-il ce mercredi au micro de Franceinfo.

Du côté de la majorité, on se montre cependant inflexibles. "C'est le coeur de la réforme sur lequel, depuis le départ, il n'y a pas d'accord. Dans la vie, il y a des moments, il faut savoir reconnaître qu'il y a aussi des sujets (sur lesquels) on n'est pas d'accord", observe le ministre des Relations avec le Parlement, Franck Riester. "Les 64 ans sont dans le texte. On ne peut pas changer de ligne à ce point", insiste quant à lui François Bayrou, le président du Modem.

En quoi consiste la réforme des retraites prévue en 2023 ? Résumé

Outre le décalage de l'âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans, couplé à un allongement de la durée de cotisation, le projet de réforme des retraites prévoit plusieurs mesures. En voici l'essentiel :

  • Le minimum de pension de retraite sera revalorisé à hauteur de 85% du Smic dès cette année : cette mesure concerne tous les retraités actuels et futurs ayant effectué une carrière complète au Smic, soit 40 000 retraités chaque année sur les 800 000 qui liquident leurs droits.
  • L'amélioration du dispositif de carrières longues : la retraite sera possible dès 58 ans pour les personnes ayant commencé à travailler avant 16 ans. L'âge légal sera fixé à 60 ans pour les personnes qui se sont lancées dans la vie active avant 18 ans, et à 62 ans pour les personnes qui se sont lancées dans la vie active avant 20 ans.
  • Une meilleure prise en compte de la pénibilité : pour ce faire, l'exécutif a annoncé un renforcement du suivi médical, des possibilités de départs anticipés, la création d'un fonds de prévention doté d'un milliard d'euros et l'amélioration du compte professionnel de prévention (abaissement des seuils de travail de nuit et en équipes successives alternantes, création d'un congé de reconversion professionnelle).
  • Particularité en cas d'invalidité ou d'inaptitude : les travailleurs en invalidité et en inaptitude verront leur seuil de départ à taux plein fixé à 62 ans.
  • Prise en compte des congés parentaux : désormais les congés paternité et maternité seront comptabilisés dans le calcul de la retraite et les aidants familiaux bénéficieront de validation de trimestres.
  • La fin des régimes spéciaux (IEG, RATP, clercs et employés de notaire, membres du CESE et Banque de France) pour les nouveaux entrants.
  • La création d'un index sur l'emploi des seniors : toutes les entreprises de plus de 300 salariés devront renseigner, à compter de fin 2024, sur un index public leur taux de recrutement et d'emploi des employés seniors. La mesure sera obligatoire dès cette année pour les entreprises de plus de 1 000 salariés.
  • Faciliter les retraites progressives : amélioration du dispositif de retraite progressive et élargissement aux employés de la fonction publique.
  • Cotisation supplémentaire grâce au cumul emploi-retraite : cette particularité ouvrira des droits supplémentaires à la retraite, validera les trimestre et permettra ainsi de revaloriser le montant de la pension du retraité.
  • Contribution supplémentaire des employeurs : en contrepartie de cet effort de la part des entrepreneurs, la cotisation au régime des accidents du travail et des maladies professionnelles sera abaissée.
  • La majoration de pension de 5% (1,25% par trimestre travaillé entre 63 et 64 ans), pour ceux qui auront atteint la durée de cotisation requise pour avoir une retraite à taux plein à 63 ans, un an avant l'âge légal de départ à la retraite. Présentée comme un coup de pouce pour les mères de famille, la mesure pourrait techniquement aussi s'appliquer aux hommes.

Si vous souhaitez en savoir davantage sur les mesures de la réforme, consultez notre dossier dédié :

Qui sera concerné par la réforme des retraites ?

La réforme des retraites ne concerne pas les retraités actuels. Ces derniers sont partis en retraite à 62 ans comme le stipule actuellement la loi. Le gouvernement ayant retenu la piste d'un report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, la génération née en 1968 devrait être la première concernée, la génération née en 1961 devant partir à 62 ans et trois mois à compter du 1er septembre. Voici à titre indicatif le dispositif prévu : 

  • Génération née entre le 1er janvier et le 31 août 1961 : 62 ans, pour une durée d'assurance requise fixée à 168 trimestres
  • Entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961 : 62 ans et trois mois, pour 169 trimestres de cotisation
  • Génération 1962 : 62 ans et 6 mois (169 trimestres de cotisation)
  • Génération 1963 : 62 ans et 9 mois (170 trimestres)
  • Génération 1964 : 63 ans (171 trimestres)
  • Génération 1965 : 63 ans et 3 mois (172 trimestres)
  • Génération 1966 : 63 ans et 6 mois (172 trimestres)
  • Génération 1967 : 63 ans et 9 mois (172 trimestres)
  • Génération 1968 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1969 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1970 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1971 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1972 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1973 : 64 ans (172 trimestres)

A noter : tous les actifs ne seront pas concernés par l'âge légal fixé à 64 ans. Certains continueront à bénéficier de dispositifs leur permettant de partir à la retraite manière anticipée. Sont concernés : 

  • Ceux qui ont commencé tôt : ils vont pouvoir continuer à profiter du dispositif carrières longues (lire plus bas)
  • Les personnes invalides ou en inaptitude : elles pourront partir à la retraite à partir de 62 ans
  • Les personnes victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles : elles pourront partir à la retraite à partir de 60 ans
  • Les personnes en situation de handicap : il sera possible de partir dès 55 ans, à condition d'avoir cotisé un nombre minimal de trimestres. 
  • Les travailleurs exposés à l'amiante : ils bénéficient d'un départ anticipé dès 50 ans

Où dénicher le simulateur de la réforme des retraites ?

Le site Info-retraite permet de déterminer si vous êtes concerné ou non par la réforme des retraites, grâce à un simulateur. Vous devez renseigner votre activité professionnelle, ainsi que votre année de naissance. Enfin, vous devez préciser si vous avez acquis des droits à la retraite avant l'âge de 20 ans. 

Quel est le calendrier de la réforme des retraites ?

Présentée lors d'une conférence de presse le 10 janvier 2023, la réforme des retraites poursuit depuis son parcours législatif. Voici les échéances, passées et futures, à retenir :

  • 23 janvier : le texte a été validé par le Conseil des ministres
  • 17 février 2023 : fin des débats à l'Assemblée nationale, sans vote des députés
  • 11 mars 2023 : adoption du projet au Sénat
  • 15 mars 2023 : réunion de la commission mixte paritaire, chargée de rédiger un compromis
  • 20 mars 2023 : adoption définitive de la réforme au sein du projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale (PLFRSS), après le déclenchement du 49.3 par l'exécutif et le rejet de deux motions de censure déposées par l'exécutif
  • 1er septembre 2023 : entrée en vigueur prévue de la réforme des retraites

Les femmes seront-elles pénalisées par la réforme des retraites ? 

Tout comme les hommes, les femmes seront contraintes de travailler plus longtemps, en raison du décalage de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. "Elles sont un peu pénalisées par le report de l'âge légal, on n'en disconvient absolument pas", a reconnu, gêné, sur Public Sénat le ministre des Relations avec le Parlement, Franck Riester, le 23 janvier dernier. "Les femmes sont plus touchées par le décalage de l'âge de la retraite parce qu'elles sont moins fréquemment en situation de carrière longue que les hommes", a expliqué l'économiste Michaël Zemmour, maître de conférences à l'université Panthéon-Sorbonne, auprès de France info

Que prévoit la réforme des retraites pour les carrières longues ?

Ce dispositif permet à ceux qui ont débuté leur vie active tôt de bénéficier d'un départ à la retraite anticipée. Voici ce qui change avec la réforme des retraites :

  • Début de carrière avant 16 ans : départ à compter de 58 ans
  • Début de carrière avant 18 ans : départ à compter de 60 ans
  • Début de carrière avant 20 ans : départ à compter de 62 ans, à condition d'avoir cotisé 5 trimestres avant l'âge de 20 ans.

Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, la Première ministre a annoncé que les personnes qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront partir à la retraite à 63 ans.

Comment le gouvernement justifie-t-il sa réforme des retraites ? Explication

L'exécutif estime que la réforme des retraites est nécessaire afin d'assurer la pérennité du système de retraite par répartition. Ce dernier repose sur la solidarité intergénérationnelle, c'est à dire que les actifs cotisent pour payer les pensions des retraités actuels. Or, le nombre de retraités croît plus rapidement que le nombre d'actifs, sous l'effet de l'allongement de l'espérance de vie. D'après l'INSEE, en 2040, il y aura 1,5 cotisant pour un retraité, contre 4 cotisants pour un retraité en 1980. Par conséquent, le gouvernement préconise de faire travailler les Français plus longtemps afin d'augmenter les cotisations pour "sauvegarder un système de retraite en danger", comme l'ont martelé à de multiples reprises, le président de la République, la première ministre et plusieurs membres du gouvernement.

Ce constat est partagé, en partie, par le dernier rapport du Conseil d'Orientation des Retraites (COR) publié en septembre 2022. Dans l'ensemble des scénarios envisagés par le COR – qui défini ces prévisions selon plusieurs facteurs économiques comme le taux de chômage et le Produit Intérieur Brut – le système de retraite, en l'état actuel, deviendrait "potentiellement déficitaire jusqu'en 2039". Néanmoins le rapport du COR n'indique pas que le système de retraite français est "en danger" ou qu'une réforme de l'âge légal de départ en retraite est nécessaire à sa sauvegarde, comme l'affirme l'exécutif. "Les résultats du rapport ne valident pas le bien fondé des discours qui mettent en avant l'idée d'une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite" lit-on dans le document.




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