[Mise à jour du lundi 23 janvier 2023 à 09h50] Malgré la contestation sociale, le gouvernement souhaite avancer rapidement sur l'épineux dossier de la réforme des retraites. Le texte, qui a déjà reçu la validation du Conseil d'Etat, est présenté ce lundi en Conseil des ministres avant d'être débattu au Parlement au début du mois de février. Les débats à l'Assemblée nationale et au Sénat devraient s'achever le 26 mars, date limite pour une adoption définitive de la réforme au sein du projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale (PLFRSS). L'exécutif aspire à voir sa réforme appliquée dès la fin de l'été 2023. Dimanche dernier lors d'une conférence de presse, le président de la République, Emmanuel Macron, a confirmé que le texte pourrait être "aménagé" par les parlementaires au cours des débats. Cependant, il n'est pas exclu que la réforme soit adoptée en l'état, puisque la majorité présidentielle bénéficie de l'appui des députés et des sénateurs Les Républicains (LR).

Pour rappel, la réforme initiée par le gouvernement prévoit de repousser l'âge de départ à la retraite à 64 ans contre 62 ans à l'heure actuelle. Ce recul doit être progressif, à raison d'un trimestre par an à compter du 1er septembre 2023. Ainsi, l'âge légal devrait s'établir à 63 ans et 3 mois en 2027, soit à la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron. La durée de cotisation, prévue dans le cadre de la réforme Touraine, est maintenue à 43 ans soit 172 trimestres. Néanmoins le texte fixe à 67 ans l'âge de départ permettant de toucher une retraite à taux plein sans qu'une décote vienne réduire le montant de la pension de retraiteSi vous souhaitez en savoir davantage sur les mesures de la réforme, consultez notre dossier dédié :

Quelle sera la nouvelle réforme des retraites ? Résumé

Outre le décalage de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, couplé à un allongement de la durée de cotisation, le projet de réforme des retraites prévoit plusieurs mesures. En voici l'essentiel : 

  • Le minimum de pension de retraite sera revalorisé à hauteur de 85% du Smic dès cette année : "Avec le président de la République, nous avons décidé d'acter la revalorisation pour tous les retraités ayant effectué une carrière complète au Smic", a annoncé la Première ministre, confirmant le fait que cette mesure concerne à la fois les retraités actuels et les futurs retraités. Les pensions les plus basses, soit deux millions de petites retraites, seront donc revalorisées à hauteur de 100 euros par mois à compter du mois de septembre 2023 (25 euros au titre de la pension minimum de base et 75 euros au titre de la majoration du minimum de pension). 
  • L'amélioration du dispositif de carrières longues : la retraite sera possible dès 58 ans pour les personnes ayant commencé à travailler avant 16 ans, 60 ans pour ceux dont la vie active avant 18 ans et 62 ans pour les personnes ayant commencé avant 20 ans. Les départs anticipés seront accordés à condition d'avoir cotisé 4 à 5 trimestres avant le plafond d'âge. "Le dispositif de carrières longues sera adapté pour qu'aucune personne ayant commencé à travailler tôt ne soit obligée de travailler plus de 44 ans", a précisé l'exécutif dans un dossier de presse. 
  • Une meilleure prise en compte de la pénibilité : pour ce faire, l'exécutif a annoncé un renforcement du suivi médical, des possibilités de départs anticipés, la création d'un fonds de prévention doté d'un milliard d'euros et l'amélioration du compte professionnel de prévention (abaissement des seuils de travail de nuit et en équipes successives alternantes, création d'un congé de reconversion professionnelle)
  • Les catégories actives (pompiers, policiers, etc) pourront "continuer à partir plus tôt" : les durées de service resteront inchangées. 
  • Les personnes en invalidité et en inaptitude pourront partir à la retraite à taux plein dès l'âge de 62 ans 
  • Les périodes de congé parental seront prises en compte dans le calcul de la retraite et les aidants familiaux bénéficieront de validation de trimestres. 
  • La fin des régimes spéciaux (IEG, Banque de France et RATP) à compter du 1er septembre 2023 : "Cette mesure ne concernera que les nouveaux embauchés, qui seront affiliés au régime général de retraite", a souligné Elisabeth Borne. A noter : les actifs actuellement affiliés à ces régimes spéciaux – recrutés avant le 1er septembre – seront concernés par le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite, cette question devant faire l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux. 
  • La création d'un index sur l'emploi des seniors afin d'encourager les bonnes pratiques, et de dénoncer les mauvaises. "Il s'agit de mesurer les pratiques des entreprises à partir d'une certaine taille : toutes les entreprises de plus de 300 salariés devront renseigner cet index", a précisé le ministre du Travail. A noter : cette mesure sera obligatoire "dès cette année" pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, et à compter de 2024 pour celles de plus de 300 salariés. "Le refus de renseigner l'index sera un motif de sanction", a assuré Olivier Dussopt. Il n'a pas détaillé les indicateurs qui serviront à mettre en place cet index, indiquant qu'ils seront "définis à l'issue d'une concertation professionnelle".
  • Amélioration du dispositif de retraite progressive et élargissement du dispositif à la fonction publique
  • Le cumul emploi-retraite permettra de bénéficier de droits supplémentaires, et ainsi de revaloriser le montant de la pension
  • La mise en place d'"une contribution supplémentaire" de la part des employeurs. "Mais nous refusons qu'elle augmente le coût du travail, a nuancé Elisabeth Borne. C'est pourquoi, nous baisserons symétriquement la cotisation des employeurs au régime des accidents du travail et des maladies professionnelles qui est très excédentaire."

Comment le gouvernement justifie-t-il sa réforme des retraites ? Explication

L'exécutif estime la réforme des retraites nécessaire pour assurer la pérennité du système de retraite par répartition. Aujourd'hui composé d'une trentaine de régimes distincts, il devrait accuser un déficit allant de 0,5 point de PIB à 0,8 point dès 2023, selon les prévisions du Conseil d'orientation des retraites (COR). Le trou est estimé à 20 milliards d'euros en 2032. Le système de retraite français repose sur la solidarité intergénérationnelle. Les actifs cotisent pour payer les pensions des retraités d'aujourd'hui. Or, le nombre de retraités croît plus rapidement que le nombre d'actifs, la population française vieillissant et vivant désormais plus longtemps. On estime désormais qu'en 2040 il y aura 1,5 cotisant pour un retraité, contre 4 cotisants pour un retraité en 1980. De facto, les recettes sont moindres, alors que les besoins de financement sont plus forts.

Quel est le calendrier de la réforme des retraites ? 

Présentée lors d'une conférence de presse le 10 janvier dernier, la réforme des retraites doit désormais démarrer son parcours législatif. Voici les échéances à retenir : 

  • 23 janvier : présentation en Conseil des ministres
  • 6 février 2023 : début de l'examen dans l'hémicycle à l'Assemblée nationale, dans le cadre du budget de la Sécurité sociale rectificatif
  • 26 mars 2023 : fin des débats au Parlement 
  • 1er septembre 2023 : entrée en vigueur de la réforme des retraites

Qui sera concerné par la réforme des retraites en 2023 ?

La réforme des retraites ne concerne pas les retraités actuels. Ces derniers sont partis en retraite à 62 ans comme le stipule actuellement la loi. Le gouvernement ayant retenu la piste d'un report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, la génération née en 1968 devrait être la première concernée, la génération née en 1961 devant partir à 62 ans et trois mois à compter du 1er septembre. Voici à titre indicatif le dispositif prévu : 

  • Génération née entre le 1er janvier et le 31 août 1961 : 62 ans, pour une durée d'assurance requise fixée à 168 trimestres
  • Entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961 : 62 ans et trois mois, pour 169 trimestres de cotisation
  • Génération 1962 : 62 ans et 6 mois (169 trimestres de cotisation)
  • Génération 1963 : 62 ans et 9 mois (170 trimestres)
  • Génération 1964 : 63 ans (171 trimestres)
  • Génération 1965 : 63 ans et 3 mois (172 trimestres)
  • Génération 1966 : 63 ans et 6 mois (172 trimestres)
  • Génération 1967 : 63 ans et 9 mois (172 trimestres)
  • Génération 1968 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1969 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1970 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1971 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1972 : 64 ans (172 trimestres)
  • Génération 1973 : 64 ans (172 trimestres)

A noter : tous les actifs ne seront pas concernés par l'âge légal fixé à 64 ans. Certains continueront à bénéficier de dispositifs leur permettant de partir à la retraite manière anticipée. Sont concernés : 

  • Ceux qui ont commencé tôt : ils vont pouvoir continuer à profiter du dispositif carrières longues (lire plus bas)
  • Les personnes invalides ou en inaptitude : elles pourront partir à la retraite à partir de 62 ans
  • Les personnes victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles : jusqu'à deux ans avant l'âge légal
  • Les personnes en situation de handicap : il sera possible de partir dès 55 ans, à condition d'avoir cotisé un nombre minimal de trimestres. 
  • Les travailleurs exposés à l'amiante : ils bénéficient d'un départ anticipé dès 50 ans

Que prévoit la réforme des retraites pour les carrières longues ? 

"Environ 1 retraité sur 5 part aujourd'hui à la retraite au titre d'une carrière longue", rappelle l'exécutif dans son dossier de presse. Ce dispositif permet à ceux qui ont débuté leur vie active tôt de bénéficier d'un départ à la retraite anticipé. Voici ce qui change avec la réforme des retraites : 

  • Début de carrière avant 16 ans : départ à compter de 58 ans
  • Début de carrière avant 18 ans : départ à compter de 60 ans
  • Début de carrière avant 20 ans : départ à compter de 62 ans, à condition d'avoir cotisé 5 trimestres avant l'âge de 20 ans. 

Que prévoit la réforme des retraites pour les fonctionnaires ? 

Les fonctionnaires, comme les salariés du privé, seront concernés par le recul de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Si les catégories actives voient leurs durées de service inchangées, elles verront aussi leur âge de départ relevé. Les agents de la fonction publique pourront bénéficier du dispositif de retraite progressive. Le calcul de la pension basé sur les six derniers mois de traitement, lui, ne changera pas. 

La réforme des retraites va t-elle mettre fin aux régimes spéciaux ?

Cet automne, l'exécutif et les partenaires sociaux ont planché sur la question des régimes spéciaux. Pour rappel, la France compte actuellement 37 régimes de retraite (régime général, complémentaires, régimes spéciaux). Parmi eux, on dénombre 15 régimes spéciaux. Sur les 16,9 millions de retraités que compte la France, environ 4,2 millions bénéficient de ces particularités, selon la Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques (DREES). Il s'agit notamment des agriculteurs, des militaires, des fonctionnaires, des indépendants, des professions libérales… En fonction du régime spécial, les affiliés jouissent de certains avantages au titre de la pénibilité de leur métier. Ils peuvent notamment partir plus tôt à la retraite, cotisent moins longtemps que les travailleurs du régime général, et touchent des pensions de retraites plus élevées.

Dès 2019, le gouvernement avait fait part de son intention de supprimer les régimes spéciaux afin d'aboutir à la création d'un système universel de retraite par points, où chaque euro cotisé donne accès aux mêmes droits pour tous, quel que soit le métier pratiqué. Cette déclaration avait provoqué un tollé chez les cotisants des régimes spéciaux. Désormais, l'exécutif envisage de mettre en place la "clause du grand-père" : seuls les nouveaux entrants ne bénéficieront pas des régimes spéciaux. 

"Cette mesure ne concernera que les nouveaux embauchés, qui seront affiliés au régime général de retraite", a confirmé Elisabeth Borne. A noter : les actifs actuellement affiliés à ces régimes spéciaux – recrutés avant le 1er septembre – seront concernés par le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite, cette question devant faire l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux. Les régimes spéciaux concernés sont les suivants : 

  • RATP
  • Branche des industries électriques et gazières (IEG)
  • Clercs et employés de notaires
  • Personnels de la Banque de France
  • Membres du Conseil économique social et environnemental (Cese)

"Les régimes autonomes (professions libérales et avocats) et ceux répondant à des sujétions spécifiques (marins, Opéra de Paris, Comédie Française) ne seront pas concernés par cette fermeture, complète l'exécutif dans son dossier de presse. Le décalage progressif de deux ans de l'âge légal et l'accélération de la réforme Touraine s'appliqueront aux salariés actuels des régimes spéciaux mais en tenant compte de leurs spécificités." 

Vers une meilleure prise en compte de la pénibilité ?

Caissières, ouvriers de l'industrie ou du BTP, agents d'entretien, aides à domiciles, gardiens d'immeubles, infirmières… Dans le privé comme dans la fonction publique, beaucoup de métiers sont soumis à des conditions de travail difficiles. Dans sa réforme, le gouvernement affirme vouloir prendre davantage en compte la pénibilité au travail afin de permettre aux professionnels de partir à la retraite avant l'âge légal.

Avec le C2P (compte professionnel de prévention) la loi permet actuellement aux salariés d'accumuler des points selon leur exposition à 6 critères de pénibilité : le travail de nuit, en équipes alternantes, en milieu hyperbare (sous l'eau), les gestes répétitifs ou encore les expositions aux bruit et aux températures extrêmes (froides ou chaudes). S'ils sont soumis à un ou plusieurs de ces critères de pénibilité les salariés obtiennent des points et peuvent les dépenser pour se former, passer à temps partiel, ou partir plus tôt à la retraite.

Il est possible d'accumuler jusqu'à 8 points dans une année, et 10 sont nécessaires pour avancer sa retraite d'un trimestre. Néanmoins, il est impossible de cumuler plus de 100 points dans une carrière, d'autant que les 20 premiers doivent obligatoirement être dédiés à la formation. Un maximum de 80 points peut donc être utilisé pour partir plus tôt, ce qui représente seulement 8 trimestres, soit deux années de retraite gagnées. A ce jour, seules 9 596 personnes ont pu utiliser leur C2P pour anticiper leur départ à la retraite, selon les données transmises par le ministère du Travail. Le dispositif bénéficie donc à très peu de travailleurs.

Afin d'améliorer la prise en compte de la pénibilité, le gouvernement a annoncé quatre mesures : 

  • Un renforcement du suivi médical
  • Des possibilités de départs anticipés pour les actifs ayant eu des métiers pénibles
  • La création d'un fonds de prévention doté d'un milliard d'euros
  • L'amélioration du compte professionnel de prévention. 




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