[Mise à jour du jeudi 14 avril 2022 à 10h16] A quoi le système de retraite pourrait-il ressembler dans le cadre du futur quinquennat ? Le projet de réforme des retraites d'Emmanuel Macron en 2017 a été suspendu en raison de la crise sanitaire du coronavirus. en mars 2020 Il prévoyait la mise en place d'un système universel par répartition et par points, permettant que chaque euro cotisé donne les mêmes droits à tous, quels que soient son statut et sa profession. Deux projets présidentiels sur les retraites s'affrontent désormais. En substance, Emmanuel Macron penche pour une réforme paramétrique du système de retraite, afin de répondre à la question majeure du déficit du système de retraite. 

Une récente note du Conseil d'orientation des retraites (COR) confirme les déficits. A moins d'une économie en forte croissance, les régimes de retraite de base, et notamment la Cnav verrait son déficit se creuser de manière continue, dans le scénario le plus pessimiste, à 0,8% du PIB en 2070, représentant entre 30 et 40 milliards d'euros. Les caisses de retraite complémentaire, elles, en revanche, continueront à accumuler des réserves. Le COR, qui se réunit ce jeudi, estime que la réforme des retraites ne doit pas avoir pour objectif de réduire le déficit, mais de financer des mesures sociales. 

Marine Le Pen, elle, ne projette pas de projet d'ampleur sur les retraites, conservant l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans, et l'avançant à 60 ans pour les travailleurs ayant démarré leur vie active avant 20 ans et cumulant 40 annuités de cotisation. Pour en savoir plus, consultez notre article dédié. 

Que propose Emmanuel Macron sur la réforme des retraites ?

Dans son projet, le président sortant avait fait part de son intention de repousser l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans, tout en prenant en compte la pénibilité des carrières. Lundi dernier, il s'est dit prêt à évoluer sur cette question. La réforme pourrait s'arrêter avant 2030, l'échéance annoncée jusqu'ici pour porter progressivement l'âge de départ à 65 ans. Elle pourrait s'arrêter en 2027 et donc se limiter à un âge de départ à 64 ans, a-t-il expliqué. Emmanuel Macron a promis une clause de revoyure à la fin de son éventuel second quinquennat.

"On ne peut pas dire le dimanche soir 'je veux rassembler' et quand on va écouter les gens dire 'je ne bouge pas'. Les 65 ans ne sont pas un dogme", a-t-il martelé. "J'ouvre la porte très clairement" à un âge de départ à 64 ans. Peut-être que s'il y a trop de tensions, il faut s'arrêter en 2027, et ne pas préempter la suite". Le président de la République désire supprimer les régimes spéciaux pour les nouveaux entrants à la RATP et au sein des industries électriques et gazières (IEG). Enfin, il désire instaurer un minimum de pension de retraite de 1 100 euros pour une carrière complète.

Emmanuel Macron a promis, s'il est réélu, "d'indexer les retraites sur l'inflation dès cet été" . Objectif affiché, tenir compte des prix, qui ont bondi ces dernières semaines en raison de la guerre en Ukraine. Il a également fait part de son intention de réformer les retraites dès l'automne. "Pour les retraites, il y aura une phase de concertation avec les partenaires sociaux. Mais le mandat est clair (…) ce doit être dès l'automne prochain", a-t-il assuré.

Que propose Marine Le Pen sur les retraites ?

La candidate du Rassemblement national, elle, souhaite que l'âge légal de départ à la retraite soit abaissé à 60 ans, à condition d'avoir atteint 40 annuités et d'avoir travaillé avant l'âge de 20 ans. "Pour les autres, qui dans l'immense majorité auront un travail moins pénible physiquement, leur âge de départ et leur durée de cotisation dépendront de l'âge auquel ils auront commencé à travailler", peut-on lire dans le programme présidentiel de la candidate. Elle désire également indexer les pensions de retraite sur l'inflation, et revaloriser le minimum vieillesse à 1 000 euros par mois. Tout comme Eric Zemmour, Marine Le Pen souhaite rétablir la demi-part pour les veufs.

2022 : Qui est concerné par la réforme des retraites de Macron ?

Les retraités actuels et ceux "à moins de cinq ans de retraite" n'étaient pas concernés par la réforme des retraites initialement prévue, malgré une mise en place de la réforme des retraites prévue en 2025. Les retraités qui se trouvaient dans cette situation auraient continué à percevoir leur pension de retraite comme c'est le cas actuellement, y compris après l'entrée en vigueur de la réforme. Les premiers retraités concernés auraient été, si le texte initial de la réforme avait été maintenu, ceux qui sont nés après 1974

Quid de la réforme des retraites si Emmanuel Macron est réélu ? Le chef de l'État a fait savoir qu'il souhaite repousser l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans. Ce changement serait réalisé de manière progressive. En d'autres termes, l'exécutif allongerait progressivement la durée de cotisation nécessaire pour atteindre l'âge de taux plein, par génération. La première génération concernée dépendrait de la date d'entrée en vigueur d'une telle réforme et du rythme d'allongement de cotisation adopté.

Les salariés du secteur, comme les fonctionnaires, seraient concernés. Seuls les catégories actives de la fonction publique pourraient continuer à bénéficier d'un âge de départ anticipé, qui ferait l'objet de discussions. Même son de cloche pour les carrières longues et pénibles : des négociations seraient ouvertes pour déterminer de combien l'âge légal de départ serait augmenté.

Résumé : en quoi consistait la réforme des retraites de Macron ?

Voici en résumé ce que contenait le "texte sur lequel le gouvernement engage sa responsabilité", disponible sur le site Internet de l'Assemblée nationale et validé en première instance début mars 2020 suite à l'utilisation du 49.3 :

  • La fin des 42 régimes spéciaux au profit d'un système universel en répartition qui fonctionnera par points
  • Un calcul des pensions par points, dont la valeur ne pourra pas baisser ni augmenter moins vite que l'inflation, accumulés "tout au long de la carrière professionnelle"
  • La hausse des salaires des enseignants, qui sera matérialisée dans une future loi de programmation
  • A destination, entre autres, des avocats, un abattement de 30% sur l'assiette des cotisations sociales des professions indépendantes et un "dispositif de solidarité" à destination des "petits cabinets"
  •  La généralisation de la visite médicale à 55 ans pour les travailleurs exposés à des facteurs de pénibilité et l'amélioration des modalités d'acquisition de points, dans le cadre du compte professionnel de prévention, pour les travailleurs exposés à plusieurs facteurs de risques professionnels
  • Un "congé de reconversion" pour les personnes soumises à la pénibilité, pouvant aller jusqu'à six mois
  • Le maintien de départ légal à 62 ans, voire moins pour les fonctionnaires exerçant des "fonctions régaliennes" (policiers, douaniers, surveillants pénitentiaires, contrôleurs aériens) pouvant toujours partir en retraite à 57, voire 52 ans
  • Maintien, pour les militaires, du droit de percevoir une pension après 17 ou 27 années de "services effectifs"
  • De nouvelles mesures de baisses de droits dès 2022. L'hypothèse privilégiée est celle d'un âge pivot atteignant 64 ans en 2027, assorti d'un "mécanisme de bonus-malus" de 5% par an, mais il pourra aussi s'agir de l'allongement de la durée de cotisation ou du report de l'âge légal. La conférence sur l'équilibre et le financement des retraites devra remettre d'ici fin avril 2020 ses propositions pour remettre le système de retraite à l'équilibre d'ici 2027
  • L'extension du "compte pénibilité" et de la retraite pour incapacité permanente déjà en vigueur dans le secteur privé, qui permettra à certains de cesser le travail à 60 ans
  • La possibilité, pour les égoutiers recrutés avant le 1er janvier 2022 de partir à la retraite à 52 ans
  • La possibilité, pour les fonctionnaires ayant opté pour leur maintien dans la catégorie B de la fonction publique hospitalière, de continuer à partir à 57 ans
  • L'extension de la retraite progressive aux salariés en forfait-jours, aux régimes spéciaux et aux agriculteurs
  • La modification des règles du cumul emploi-retraite, afin que ceux qui perçoivent une pension à taux plein puissent accumuler des points supplémentaires lorsqu'ils reprennent une activité
  • Une retraite minimum à 85% du Smic en 2025
  • Une majoration en points de 5% par enfant, dont la moitié sera attribuée à la mère au titre de la maternité, l'autre moitié pouvant être partagée entre les deux parents ou attribuée à l'un ou à l'autre
  • Un bonus supplémentaire de 2% pour le troisième enfant, automatiquement réparti à parts égales entre le père et la mère, sauf décision contraire de leur part ; l''attribution de points supplémentaires aux parents isolés
  • Un nouveau calcul des pensions de réversion qui garantira au conjoint survivant, à partir de 55 ans et deux ans de mariage au moins, 70% des points de retraite acquis par le couple (à partir de 2037 pour les personnes ayant intégré le système universel).

Le projet de loi organique, celle devant encadrer la réforme sur le plan financier, deuxième volet de la réforme des retraites, a quant à lui été adopté le jeudi 5 mars 2020. Après un vote, cette fois-ci, par 98 voix contre 1. Comme toute loi organique, elle devait être soumise au Conseil constitutionnel avant promulgation si le gouvernement avait décidé de maintenir ce texte en l'état, option qui ne correspond pas aux dernières déclarations. Que contenait-elle ?

  • Une règle d'or obligeant le système de retraite à l'équilibre pendant 5 ans. Tous les ans, "les lois de financement de la Sécurité sociale" devront présenter "une trajectoire de la branche retraite à l'équilibre pour les cinq années suivantes"
  • L'application, dès 2022, du système universel de retraite aux parlementaires (députés et sénateurs) nés à partir de 1975
  • La suppression de la sanction disciplinaire de mise à la retraite d'office pour les magistrats.

Système de retraite par points : comment ça fonctionne ? 

Le futur système de retraites envisagé initialement est un système par points. Le système de retraite à points (ou retraite par points) fonctionne de la manière suivante : un actif cotise et accumule chaque année un nombre de points transformé ensuite en pension mensuelle une fois l'âge de la retraite atteint. Avec ce système, chaque personne faisant partie de la population active dispose d'un compte sur lequel les points sont additionnés.

Les points sont par la suite transformés en une somme d'argent que le retraité recevra chaque mois. Le passage des points à une pension se fait via un coefficient de conversion qui peut prendre en compte plusieurs facteurs tels que le nombre d'années cotisées ou encore l'espérance de vie moyenne du pays. Lorsqu'un salarié part à la retraite, sa pension correspond donc au nombre de points acquis durant sa vie active multiplié par la valeur du point en vigueur à la date du départ à la retraite.

Le régime général français et les régimes complémentaires (Agirc et Arrco) fonctionnent de cette façon. Le système de retraite français actuel est un régime de retraite par répartition.

Quel âge de départ dans le cadre de la réforme des retraites ? Qu'est-ce que l'âge pivot ?

Dans le cadre de la réforme des retraites initiale portée par Emmanuel Macron, l'âge de départ légal à la retraite devait rester fixé à 62 ans. Toutefois, en vue d'inciter les Français à travailler plus longtemps, une référence à la retraite à taux plein, l'exécutif voulait mettre en place un âge pivot, fixé à 64 ans, avec un mécanisme de décote ou à l'inverse, de surcote de la pension de retraite. Le mécanisme de bonus-malus pourrait faire varier la pension de retraite d'environ 5% par an à la baisse ou à la hausse pour chaque année travaillée en moins ou en plus.

À noter que l'âge pivot devait évoluer en fonction de l'espérance de vie de la génération à laquelle l'assuré est attaché. Il aurait été amené à être révisé afin de tenir compte des contraintes financières du régime. Avant la crise sanitaire, l'exécutif se disait prêt à retirer cette mesure de son projet de loi sur la réforme des retraites à condition que les syndicats et le patronat s'entendent d'ici la fin avril 2020 sur un autre moyen de maintenir l'équilibre financier du nouveau système.

Où en est la réforme des retraites ?

Pour rappel : le candidat Emmanuel Macron appelait de ses vœux cette réforme des retraites lors de sa campagne électorale pour l'élection présidentielle de 2017. Dans sa profession de foi, le futur président de la République évoquait la création "d'un système universel des retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé et quel que soit le statut de celui qui a cotisé".  Ce projet de réforme du système de retraite français a été au cœur d'un conflit social qui a débuté le 5 décembre 2019. Parmi les mesures qui cristallisent les tensions figurent l'âge pivot que l'exécutif prévoyait d'instaurer, le sort des régimes spéciaux (dont ceux de la SNCF et la RATP) qu'il était question de supprimer ainsi que la prise en compte de la pénibilité des conditions de travail dans le calcul des pensions.

Avant la crise du coronavirus, la réforme des retraites a suivi un calendrier :

  • De mai à décembre 2018 : concertation avec les partenaires sociaux sous l'égide du haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye. En parallèle, concertation citoyenne sur une plateforme. Cette première étape a commencé officiellement le 31 mai 2018
  • Printemps-été 2019 : présentation officielle des grandes orientations de la réforme et début d'une deuxième session de négociation avec les partenaires sociaux
  • 18 juillet 2019 : remise officiel du rapport Jean-Paul Delevoye au Premier ministre
  • Du 16 septembre 2019 jusqu'à début décembre 2019 : nouveau cycle de discussions avec les partenaires sociaux pour aborder les questions des mécanismes de solidarité (dans le système universel, 1 euro cotisé ouvre les mêmes droits à tous), l'âge et la durée de cotisation, les modalités de l'équilibrage du système des retraites en 2025 et les règles de pilotage à long terme et, enfin, les modalités de transition des 42 régimes existants vers le futur système des retraites. Ces discussions avec les partenaires sociaux sont accompagnées d'un dispositif de consultation et de participation citoyenne, via une plateforme dédiée, ouverte fin septembre 2019. Organisation, également, de réunions publiques autour d'élus locaux ou d'associations dans les territoires au cours du dernier trimestre de l'année 2019
  • 5 décembre 2019 : début du conflit social
  • 24 janvier 2020 : présentation du texte en conseil des ministres
  • A compter du 17 février 2020 : examen du texte en procédure accélérée pendant 15 jours à l'Assemblée nationale
  • Début mars : adoption des projets de loi ordinaire et organique de réforme des retraites. Le premier grâce au 49.3 et le second suite au vote des parlementaires

Selon ce calendrier, il était également prévu :

  • Avril 2020 : après son adoption par l'Assemblée nationale, le projet de loi devait être débattu au Sénat, ce qui n'a pas eu lieu en raison de la suspension de toutes les réformes durant le confinement
  • 2025 : mise en place progressive des mesures de la réforme

À l'heure actuelle, il n'a pas été précisé si ce calendrier sera tenu.


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