Le 16 février 2022, le Sénat a définitivement adopté la proposition de loi visant notamment à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, dans sa rédaction adoptée par la Commission mixte paritaire le 1er février 2022. Cette loi transpose la Directive européenne du 23 octobre 2019.

Un cadre législatif existant pour le statut du lanceur d’alerte

La loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin II », complétée par le décret du 19 avril 2017, a instauré un statut unique du lanceur d’alerte et a rendu obligatoire la mise en place d’une procédure de recueil des signalements émis par les lanceurs d’alerte au sein des entreprises de droit public ou de droit privé d’au moins 50 salariés.

Ce corpus légal introduit une définition du lanceur d’alerte, qui est « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

Il définit également une procédure de signalement graduée en trois étapes : voie interne à l’entreprise, communication aux autorités judiciaires, administratives ou aux ordres professionnels en l’absence de diligence, divulgation au public.

Enfin il stipule une protection du lanceur d’alerte se traduisant par une immunité disciplinaire et pénale ainsi qu’une protection contre toute discrimination. 

Des principaux changements issus du texte définitivement adoptés

Le texte, qui entrera en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa promulgation, introduit plusieurs changements.

La notion de signalement désintéressé est remplacée par l’absence de contrepartie financière directe.

En écartant la nécessité d’une divulgation ayant un caractère « grave et manifeste », la moindre violation peut alors conférer à son auteur la protection attachée au statut de lanceur d’alerte.

La notion de connaissance personnelle des faits dénoncés est assouplie, laquelle sera alors exigée uniquement lorsque les informations n’auront « pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles ».

L’introduction du rôle de facilitateur et son ouverture aux organisations qui soutiennent les lanceurs d’alerte accorde les mêmes protections aux personnes physiques et morales venant en aide aux lanceurs d’alerte dans le processus de signalement qu’aux lanceurs d’alerte eux-mêmes.

Le statut de lanceur d’alerte est accordé à toute personne ayant subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ou sexuel ainsi qu’à celle ayant témoigné ou relaté de tels agissements.

La liste des personnes susceptibles d’effectuer un signalement est désormais ouverte non seulement au personnel de l’entreprise mais également aux anciens membres du personnel, aux candidats à un emploi, aux actionnaires ou associés, aux dirigeants, aux collaborateurs extérieurs et occasionnels de l’entreprise, aux cocontractants etsous-traitants de l’entreprise ainsi qu’à leurs dirigeants et membres du personnel.

La procédure de signalement est également simplifiée. Les lanceurs d’alerte pourront désormais librement choisir entre un signalement interne et un signalement externe et ne seront plus contraints d’avertir en premier leur supérieur hiérarchique. Ils pourront, dans certains cas, directement divulguer publiquement l’information notamment en cas de danger grave et imminent ou en cas de risque de représailles.

Une immunité pénale complète sera accordée aux lanceurs d’alerte pour la divulgation d’informations y compris en cas en cas de soustraction, de détournement ou de recel de documents ou tout autre support contenant les informations dont il a eu connaissance de manière licite.

Enfin, le champ de l’interdiction des mesures de représailles contre les lanceurs d’alerte est élargi et les sanctions en cas d’action abusive ou dilatoire lors d’une procédure dirigée contre un lanceur d’alerte en raison des informations divulguées sont renforcées.

Un très faible nombre d’entreprises a mis en place des procédures de recueil : afin de protéger les lanceurs d’alerte, de protéger leur réputation et de changer la culture d’entreprise, il est grand temps pour les entreprises de se conformer enfin aux obligations légales et de mettre en place un tel dispositif, obligatoire pour toute entreprise d’au moins 50 salariés.


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