Après avoir licencié 150 salariés et arrêté les transferts et retraits sur sa plateforme le 12 juin, Celsius Network a fini par déposer le bilan ce 13 juillet 2022. Un nouvel épisode dans une mauvaise série pour les plateformes de financement et de crédit de crypto-monnaies , démarrée au début de l'été dans la foulée de la chute d'Anchor Protocol : le 16 juin, c'est d'abord Finblox qui annonce une série de mesures contraignantes à ses utilisateurs, imité le lendemain par Babel Finance, avant que le 24 juin Coinflex suspende temporairement les transferts et rachats, puis le 4 juillet que Vauld stoppe les retraits et, enfin, le 5 juillet, que Voyager annonce sa faillite. Une hécatombe qui n'est pas due au hasard. La preuve en cinq explications.

#1 Des millions trop facilement prêtés 

Les plateformes crypto permettent aux investisseurs de contracter des prêts en crypto-monnaies équivalents à des millions de dollars. Or les risques d'insolvabilité ont été sous-estimés par beaucoup d'entre elles. Elles en paient désormais les conséquences. Un exemple ? Février 2022 : le hedge fund spécialisé dans les cryptos Three Arrows Capital (3AC) investit près de 200 millions de dollars sur le Luna. Trois mois plus tard, la blockchain Terra Luna s'effondre. Le fonds subit des pertes considérables à tel point qu'il est déclaré en liquidation judiciaire le 27 juin 2022. Or, pour réaliser ses investissements, il a emprunté 15 250 bitcoins et 350 millions d'USDC en mars 2022 auprès du prêteur crypto Voyager, soit la bagatelle de… 650 millions de dollars. Le hedge fund entraîne son créancier dans sa chute : Voyager déclare faillite le 5 juillet. Même scénario pour Coinflex, un exchange, qui suspend le 24 juin 2022 les retraits sur sa plateforme suite au défaut de paiement de 87 millions de dollars de l'investisseur Roger Ver, surnommé Bitcoin Jesus. Nul n'est prophète en son pays…

#2 Des garanties qui s'écroulent

Pour emprunter sur un protocole de crédit, un investisseur doit fournir des crypto-monnaies en garantie. Problème, les actifs déposés en collatéral peuvent perdre de la valeur suite à la fluctuation de leur cours. Pour ne pas atteindre l'appel de marge, point à partir duquel les garanties sont insuffisantes pour la valeur de la dette contractée, l'emprunteur doit injecter de nouveaux fonds pour couvrir son prêt au risque que le protocole liquide les actifs pour procéder à un remboursement anticipé. BlockFi a notamment procédé à la liquidation de l'emprunt de 80 millions de dollars de 3AC, suite aux problèmes de liquidités du hedge fund. Cette opération a généré des pertes contraignant la plateforme de lending à licencier mi-juin 170 de ses salariés. Elle est sauvée de justesse de la faillite par la plateforme FTX, qui lui accorde une facilité de crédit de 400 millions de dollars début juillet. Un prêt entre protocoles non sans risque comme on va le voir tout de suite.

#3 Des prêts consanguins

Les plateformes de lending se prêtent entre elles. Or, plus les liens se sont tissés, plus le risque de contagion en cas de faillite est élevé. Le dépôt de bilan de Celsius aurait pu être le point de départ d'une crise systémique. Heureusement, le protocole a honoré une dette de 61 millions de dollars contractée auprès de Aave (20 millions d'USDC) et de MakerDAO (41 millions de Dai), deux protocoles de finance décentralisée. Tandis que les plateformes sont tirées d'affaire, le sort des clients de Celsius est plus qu'incertain.

#4 Des plateformes aux déficits structurels

Des rendements annuels à 10, 20, 30% sont impossibles à maintenir dans le temps, ils permettent seulement aux protocoles qui les affichent d'attirer des liquidités. Certains bilans de plateformes de crédit crypto sont sans surprise déficitaires. Selon The Block, Vauld a révélé un manque à gagner de 70 millions de dollars dans une lettre à ses créanciers. D'après son résultat opérationnel diffusé sur Twitter, BlockFi cumule 63,9 millions de dollars de pertes en 2020 et 221,5 millions en 2021. Le contexte baissier sur le marché crypto ne fait donc qu'exacerber les problèmes structurels de certaines plateformes.

#5 Une méfiance généralisée

Dès lors qu'Anchor Protocol a fait faillite en mai 2022, la méfiance envers les plateformes de prêts de crypto-monnaies s'est propagée. Les protocoles ont tenté de limiter les bankruns, sans succès pour certains. Finblox, qui propose des rendements annuels de 5% pour du bitcoin et de 90% pour Axie Infinity, a mis en place une série de mesures contraignant les retraits de ses 15 000 utilisateurs. Suite à une "pression inhabituelle sur les liquidités" selon ses termes, Babel Finance a suspendu le 17 juin temporairement les rachats et les retraits, alors qu'elle venait de clôturer une levée de fonds de 80 millions de dollars en mai. La plateforme Vauld a suspendu le 4 juillet les transactions pour cause de retraits massifs.

D'incestueux à sauve qui peut

Depuis des années, l'écosystème crypto est incestueux : les plateformes sont liées entre elles par des prêts et par des clients communs, qui eux-mêmes empruntent sur l'une pour prêter sur l'autre. Mais en cas crise systémique, tout le monde joue à sauve qui peut : Babel Finance, suspectée d'être insolvable, nie fermement toute exposition à 3AC auprès de The Block tandis que Coinflex s'empresse de désamorcer dans un communiqué les incertitudes concernant une contrepartie de Three Arrows Capital ou "quelconque société de prêt". Un pour tous et un pour un…





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