Solliciter un second avis médical est un droit que les patients n’utilisent que trop rarement. Peur de vexer son médecin, perte de son libre-arbitre face à une décision médicale ou méconnaissance de l’existence de cette pratique ? Le second avis médical n’est qu’au tout début de son développement en France. Pourtant, il s’avère très utile, particulièrement en cas de maladie grave ou chronique. 

La France encore à la traîne

Le recours au deuxième avis médical est plutôt récent en France par rapport à ses voisins européens. En Allemagne, depuis la loi santé de 2015, il est obligatoire en cas de maladies graves ou d’opérations importantes. Aux Etats-Unis et dans les pays d’Europe du Nord, le Second Medical Opinion (SMO) est également très répandu. 

En France, solliciter un deuxième avis peut encore être vu comme un acte de défiance. Or, il est tout à fait normal de se tourner vers un médecin spécialisé et expert lorsque le diagnostic annonce une maladie grave, une opération compliquée ou un traitement lourd. Les médecins doivent répondre positivement aux patients qui en souhaitent un afin de les rassurer. C’est également une analyse précieuse et complémentaire dans le parcours de soin du patient. De plus en plus de médecins recommandent d’ailleurs cette pratique et accompagnent leurs patients dans leur démarche.

La collaboration, un atout

Depuis 2009 le plan cancer met l’accent sur la collégialité à travers les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP). Réunions où les spécialistes discutent et échangent sur les dossiers des patients, ainsi que sur les traitements et les soins appropriés. Les RCP sont particulièrement fréquentes en oncologie. Ne peuvent-elles pas être assimilées à toutes les spécialités ? 

Le deuxième avis médical a en effet des effets bénéfiques quelles que soient les spécialités. En chirurgie orthopédique, il permet de questionner la pertinence d’une opération chirurgicale ou de proposer d’autres types de prise en charge comme une prise en charge de kinésithérapie, des traitements médicamenteux, etc. Lorsque l’opération se révèle être indispensable, le deuxième avis médical est l’occasion d’évaluer quelle est la meilleure technique opératoire, en fonction à la fois de la pathologie du patient, mais aussi de l'environnement de sa maladie et de son mode de vie.

Le deuxième avis médical peut également mettre fin aux errances médicales. C’est notamment le cas de l’endométriose qui touche 10% des femmes en âge de procréer, soit 1,5 à 2,5 millions de femmes en France. L’endométriose est une maladie émergente, encore incomprise et mal repérée, dont la prise en charge est souvent insuffisante entraînant une errance médicale de 7 ans en moyenne. L’endométriose est aujourd’hui la première pathologie demandée sur le site de deuxiemeavis.fr. Le second avis médical d’un médecin expert dans sa spécialité peut avoir un véritable impact dans la vie du patient : le temps d’attente est réduit entre les premiers symptômes, les examens médicaux et le diagnostic. 

Qu’il soit convergent avec l’avis initial ou divergent, le deuxième avis médical est dans tous les cas utile pour les patients. Lorsque le deuxième avis est convergent, il permet au patient d’être rassuré vis-à-vis du choix de son équipe médicale traitante. Cela permet aussi au patient d’avoir une meilleure adhésion à son protocole de soins et une meilleure observance médicamenteuse. Lorsqu’il est divergent, le deuxième avis permet d’optimiser des diagnostics ou d’ouvrir une discussion avec l’équipe médicale traitante et in fine d’éviter des opérations qui ne sont parfois pas nécessaires.

Même si cela devient de plus en plus courant, il y a encore trop peu de recours et les patients ne sont jamais contre, mais souvent n’osent pas. 

Les médecins, en ce qui les concerne, sont aujourd’hui beaucoup plus ouverts, mais n’ont pas toujours le réflexe, alors que cette pratique comporte de nombreux bénéfices pour eux aussi. 

Le deuxième avis permet en effet de bénéficier de l’avis d’un confrère qui a une “sur-spécialité” qui n’est pas la sienne. Par exemple, la chirurgie orthopédie est une spécialité extrêmement vaste : lorsque l’on est spécialiste du rachis, il est difficile d’être également un spécialiste du genou ! Le deuxième avis médical, qui est généralement rendu sous forme écrite, permet également d’enrichir le dossier du médecin d’une pièce complémentaire et d’assurer une traçabilité médico-légale. Enfin, le fait même de solliciter un confrère permet au médecin de partager avec lui sa “charge mentale” grâce à une réflexion collégiale et confraternelle, point non-négligeable lorsque l’on sait que les médecins prennent souvent des décisions qui peuvent avoir un impact considérable sur la vie de leurs patients. 

Il est temps de démocratiser le deuxième avis médical ! La crise sanitaire du Covid a fait évoluer en profondeur les mentalités et les pratiques en France sur les questions de santé, aussi bien du côté des patients que des médecins. La pratique du deuxième avis médical va-t-elle bénéficier durablement de ces évolutions ? La seule chose dont je suis sûre, c’est que patients comme médecins ont tout à y gagner.


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