Le terme prête sans doute moins à sourire que celui de chief happiness officer, il n'empêche, le job de chief metaverse officer n'est pas sans susciter de nombreuses questions de la part d'un grand public encore peu familier des terminologies métaverse et Web3.  "Chief metaverse officer, ce n'est pas la même chose chez LVMH que dans une banque d'affaires", nous explique Benjamin Eymère, chief metaverse officer du conglomérat hongkongais AMTD. "Le point commun est que tous les chief metaverse officers souhaitent mettre en exergue la propriété liée à la création."

"Mettre en exergue la propriété liée à la création"

Celui qui est aussi CEO de L'Officiel, propriété d'AMTD, présentait déjà une appétence pour la technologie mais n'est pas un spécialiste du code : touche à tout, à l'aise en costume trois pièces comme dans les bottes portées dans sa ferme à chanvre du Château des Marais, ce proche du créateur Agoria se décrit comme un "passionné de jeux vidéo et plus globalement, de la gamification". Une notion tout aussi importante pour son homologue Camille Kroely.  Au sein de L'Oréal, la chief metaverse officer ne se qualifie pas de gameuse, au contraire de son entourage, mais a pu observer de près "l'émergence du gaming et de plateformes très fortes en engagement" alors qu'elle occupait le poste de directrice des services digitaux et de l'open innovation au sein du groupe. Face au constat d'un secteur du jeu vidéo "incontournable avec 3,2 milliards d'individus concernés", L'Oréal a créé ce poste aujourd'hui transversal au sein de ce groupe certes centenaire mais déjà à l'initiative de plusieurs expériences NFT et immersives pour Yves Saint Laurent Beauté, Mugler et Nyx.

Camille Kroely, chief metaverse officer de L'Oréal. © L'Oréal

"L'une des premières volontés du groupe et de notre direction était d'apprendre. Donc dès l'an dernier, nous avons réalisé des sessions de formation avec l'ensemble du Comex autour de la création d'un wallet, de l'achat de crypto, d'initiation au gaming et aux plateformes de métaverse", nous relate Camille Kroely. "Par la suite, nous avons identifié des gens au sein du groupe déjà familiers du secteur pour qu'ils inventent avec nous ces expériences. Aujourd'hui, on s'appuie en premier sur eux". Désormais, la fonction de Camille Kroely consiste finalement à inscrire les marques du groupe dans de nouveaux univers tout en prêtant soin de ne pas aliéner leur identité respective. "Nous n'avions pas d'idée préconstruite mais nous avons appris que le jeu et le métaverse ont un intérêt pour la beauté, qu'il y a 45% de femmes dans le gaming et qu'avec les avatars, il n'y a aucune limite à la créativité et l'expression." Pour établir des partenariats clefs comme celui avec la plateforme de création d'avatars Ready Player Me, la chief metaverse officer souligne "un travail de veille constant car il faut constamment défier nos croyances et nos habitudes, même s'il est nécessaire de faire le tri entre le buzz et les tendances de fond".

Une veille des projets constante

Au sein d'AMTD, Benjamin Eymère prône également le temps nécessaire de la réflexion. Ancien avocat en droit de la propriété intellectuelle, il estime que si "20% de son temps est consacré à la créativité, 80% relève du juridique. Il y a du droit privé, qui vient se confronter à du droit public. Si tu fais un token, cela peut être considéré comme un security (un titre financier, ndlr) par la SEC ou en France, l'AMF. Tout le monde a des idées mais il faut être en capacité de créer un cadre juridique et légal pour que ton business ne s'arrête pas au bout de deux ans. L'enjeu réglementaire est quand même là. Ça signifie juste qu'il faut bien cadrer les contrats liés au NFT."

Benjamin Eymère, chief metaverse officer d'AMTD. © L'Officiel

Une pensée régulièrement alimentée par des déplacements dans les événements phares, NFT Paris, NFT.NYC ou encore le Forum économique de Davos durant lequel il organisait une journée du Web3 ponctuée par une table-ronde avec Yat Siu (cofondateur d'Animoca Brands), Pascal Gauthier (CEO de Ledger), Sébastien Borget (cofondateur de The Sandbox) et Magali Ginsburg (cofondatrice de Transcend). Pour autant, il assure que son emploi du temps n'est que "très peu occupé par des rendez-vous physiques, il y a beaucoup de digital et beaucoup de veille de projets".  Quant à Camille Kroely, il n'est pas rare de la voir elle aussi évangéliser le public lors de conférences, d'ailleurs souvent au même endroit que Benjamin Eymère.

Presque à l'unisson, chacun vante un travail dont les fruits se ressentent dans le quotidien de leur entreprise comme des consommateurs. Outre la formation interne, Camille Kroely nous évoquait il y a peu une nouvelle "synergie entre les équipes" grâce à "une direction dédiée" et non "une approche par marques". Elle dit assumer dans le même temps "une responsabilité sociétale en tant que leader mondial de la beauté, pour établir des engagements auprès du consommateur, du respect de ses données et de l'environnement" permis par les technologies du Web3. Une vision partagée par Benjamin Eymère, pour lequel le rôle de chief metaverse officer n'est "pas juste un titre. Il s'agit de redonner de la valeur aux bons attributs, en matière de recherche, de science, de climat, de royalties. C'est vraiment une redistribution de la valeur." Sous sa gouverne, son groupe travaille notamment sur un projet lié "au climat et à la décentralisation de la recherche scientifique", censé permettre à tous d'aider la recherche et d'être récompensé par un token. Il cite également une collaboration avec Ledger pour sécuriser les archives de L'Officiel.  Enfin et surtout, il aspire à faire d'AMTD une force de frappe dans le secteur : "Je suis chief metaverse officer d'une banque d'affaires qui fait beaucoup de deals, donc l'idée est d'imaginer comment amener le métaverse dans toutes ces entreprises." Ce qui n'est pas sans rappeler L'Oréal, récemment acquéreur de la startup NFT et métaverse Digital Village, ou encore à l'initiative d'une association avec Meta pour lancer un incubateur métaverse à Station F.

Ce besoin pour les deux groupes de rester à la page interroge finalement les contours même de la fonction de Camille Kroely et Benjamin Eymère : le chief metaverse officer d'aujourd'hui sera-t-il celui de demain ? Il est permis d'en douter au regard des évolutions constantes de la technologie. .


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