Après tout, le kilomètre le moins polluant n’est-il pas celui que l’on ne parcourt pas ? Tandis que nos entreprises sont une nouvelle fois invitées à privilégier le recours au télétravail, s’apprêtent-elles à être moteur de l’avènement de la "mobilité zéro" ?

En 2018, l’Observatoire du bureau responsable évaluait à 23 minutes le temps de trajet moyen d’un actif français entre son domicile et son lieu de travail. À raison de 46 minutes par jour, soit près de 4 heures par semaine, nul doute donc que la mobilité dite professionnelle recouvre la part la plus importante des efforts de déplacement de nos concitoyens. Aussi, il est tout à fait légitime de voir l’entreprise se préoccuper des nouvelles pratiques en la matière, voire même les encourager, en témoignent l’instauration de l’indemnité kilométrique vélo dès 2016 ou encore les expérimentations plus récentes d’implantation de flottes de vélos accessibles aux salariés. Or, d’une tendance ces dernières années que j’oserais qualifier de "molle", ou à tout le moins timide, voici que les initiatives en faveur du développement d’une mobilité douce et durable dans les entreprises s’accélèrent, notamment à la faveur de la crise du Covid, qui met les employeurs sous pression de répondre à la défiance de leurs collaborateurs vis-à-vis des transports publics.

Les voici donc soudainement contraintes et pressées de répondre aux exigences et besoins de leurs employés, quitte à se sentir parfois un peu dépassées par l’ensemble des implications liées à l’implantation et la gestion de ces nouveaux types de flottes : enjeux assurantiels, formation, accidentologie, infrastructure et gestion du matériel, politique d’attribution, intégration des forfaits mobilité durable, etc ! Dans le même temps, sommées de généraliser le télétravail, elles pourraient naturellement être tentées de tuer dans l’œuf ces différentes démarches, pour in fine encourager le principe de la fameuse "mobilité zéro".

Pourtant, quelle erreur ne feraient-elles pas ! Loin de moi l’idée de défendre le "monde d’avant" et ses excès en tout genre, je crois davantage en une croissance raisonnée qu’en une décroissance, de manière générale et sur ce sujet en particulier. Outre l’argument économique d’un marché gigantesque, boosté par l’ébullition des nouvelles mobilités ces dernières années, sur lequel la France dispose d’ailleurs d’entrepreneurs et d’entreprises incroyablement innovantes et dynamiques, prenons le temps de lister ici quelques-uns des bien-fondés du maintien d’une mobilité régulière des personnes sur notre territoire. 

Tout d’abord, la mobilité favorise l’inclusion, en ce qu’elle permet de sortir (s’extraire parfois) de son lieu de vie pour se retrouver, rencontrer, se mélanger, dans des lieux neutres qui favorisent l’égalité d’accès au travail et l’ouverture à l’autre. "Faire société" est aussi une affaire de mobilité ! Par ailleurs, être en mobilité, c’est aussi assurer une clientèle aux petits commerçants sur notre route, du panier de croissants à partager, au coup de cœur chez le traiteur en début de soirée… Ensuite, les mobilités douces (vélos, marche, trottinettes électriques etc.) garantissent pour bon nombre de français une activité physique régulière, condition sine qua non d’une meilleure santé publique. Enfin, la mobilité, c’est aussi celle dite "du dernier kilomètre", celle donc qui nous permet d’être livré lorsque l’on est isolé, ou bien désormais confiné.

Repenser aujourd’hui sa politique de mobilité dans l’entreprise, à l’heure où tant d’incertitudes rythment le quotidien, n’est évidemment pas une mince affaire. L’adapter aux besoins et exigences d’une société plus juste et plus durable, tout en tenant compte des nombreuses contraintes administratives et organisationnelles, peut avoir tendance à décourager. Cependant, à bien y regarder, le contexte n’a peut-être jamais été aussi favorable : demande croissante des collaborateurs, offres matérielles et servicielles innovantes, aménagements urbains en plein développement, montée en puissance des collectivités sur le sujet, soutien des politiques gouvernementales, collaborations public/privé, …

Nous devons saisir à bras le corps cette opportunité unique de faire collaborer dans l’entreprise les directions générales, directions des ressources humaines, directions RSE (qui se saisissent de plus en plus de cette thématique), directions des achats et gestionnaires de flottes, au service d’une mobilité réinventée, efficace et durable. Je suis convaincu que la véritable transition écologique en matière de transport et de mobilité en général passera par le déploiement en entreprise. Malgré un contexte difficile, les planètes n’ont peut-être jamais été aussi alignées.

Pascal Melet est le directeur général d'Autonomy, le salon dédié aux professionnels des mobilités, dont le JDN est partenaire. L'édition 2020, qui se tiendra les 4 et 5 novembre, sera gratuite et 100% numérique. Au programme :  conférences, tables rondes, stands d'exposition virtuels,  démonstrations en direct.. 

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