Catalogués comme ringards, les tableurs prennent leur revanche. Une nouvelle génération d'outils se servent de la fameuse feuille de calcul, connue de tous, pour attaquer une base de données. En rajoutant une surcouche de low code /no code, le tableur devient un point d'entrée pour créer des applications simples et spécifiques comme un formulaire en ligne, un gestionnaire de projet ou un CRM maison. En présentant les données sous forme de grille, de vue Kanban ou de cartes, ces "tableurs intelligents" offrent aux experts métier une nouvelle façon de consommer la data sans avoir à maîtriser les tables de la loi des bases de données. Ils gagnent ainsi en autonomie vis-à-vis de la DSI.

Fondé en 2012, l'américain Airtable a ouvert ce marché des supers Excel suivi par des petits et gros poissons. En septembre 2020, Google présentait Tables, qui répond point par point à Airtable. Lors de sa dernière conférence Build, Microsoft complétait Microsoft 365 d'une application, baptisée Lists, permettant d'organiser le travail en s'interfaçant à Teams ou Power Platform. D'autres concurrents, de tailles plus modestes, cohabitent comme Tables JotForm, Rows, ClickUp ou Notion. Le rival le plus sérieux d'Airtable est toutefois né avant lui et cette vague nouvelle de tableurs intelligents. Fondé en 2005, le bien nommé Smartsheet a un positionnement légèrement différent, se rapprochant sous certains aspects de Microsoft Lists. Cette solution américaine se présente comme une plateforme d'entreprise qui organise dynamiquement le travail via des tableaux de bords ou des workflows automatisés. 

Comparatif Airtable vs Smartsheet
  Airtable Smartsheet
Diagramme de Gantt, mode carte, affichage agenda… X X
Rapports personnalisés X X
Plateforme low code /no code X X
Module de script X  
Synchronisation multi sources X  
Intégration signature électronique   X
Site en français   X
Version gratuite  X X
Références Netflix, HBO, Expedia, Time, Shopify, Autodesk… Roche, Cisco, Syngenta, Ogilvy, PayPal…
Tarification (HT) par utilisateur et par mois Deux forfaits : Plus à 10 dollars (jusqu'à 5 000 enregistrements par base), Pro à 20 dollars (jusqu'à 50 000 enregistrements par base). Sur devis au-delà. Deux forfaits : Individuel à 13 euros (limité à 10 feuilles de calcul) et Affaire à 22 euros (100 feuilles de calcul par licence). Version illimitée (entreprise) sur devis.
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Airtable et Smartsheet proposent, l'un comme l'autre, une version gratuite. Un bon point car la prise en main de ce type d'outil nécessite un période d'apprentissage assez longue, y compris pour les rois du tableur. Il convient, en effet, de comprendre la logique et la complexité qui se cachent derrière l'apparente simplicité de leurs interfaces.

Airtable, pionnier des tableurs intelligents

Airtable propose différents modes de visualisation : les vues en grille, les tableaux kanban, les galeries, l'affichage en calendrier, le mode formulaire, un diagramme de Gantt… Une fois les données en place, Airtable permet de créer un flux de travail personnalisé en générant une série d'actions. Une demande approuvée déclenche, par l'exemple, l'envoi d'un mail.

Si cela ne suffit pas, il faudra mettre les mains dans le cambouis et écrire des petits scripts. Ce qui nécessite d'avoir une maîtrise de base de JavaScript. Des codes prêts à l'emploi sont néanmoins disponibles sur la marketplace d'Airtable. Cette place de marché contient, par ailleurs, un grand nombre de passerelles pour s'intégrer à des logiciels tiers et automatiser un certain nombre de routines. La communauté d'Airtable en a publié en parallèle plus de 150 en open source sur GitHub.

Airtable peut ainsi intégrer des données externes provenant de Box, Google Workspace, Jira, Salesforce ou Slack, ou encore agréger et consolider ces différentes sources puis d'en faire des analyses. Dans une vision collaborative, Airtable permet de partager les tables issues du service d'une entreprise avec un autre, celles du marketing avec la communication et réciproquement par exemple.

Airtable revendique plus de 200 000 entreprises utilisatrices dans le monde, dont la moitié du Fortune 1000. Ce qui la dispense de problèmes de trésorerie pour dérouler sa feuille de route en R&D. En septembre dernier, la licorne californienne a levé 185 millions de dollars, une opération la valorisant à 2,585 milliards de dollars.

Smartsheet, une plateforme axée collaborative

Smartsheet se présente avant tout comme un outil de gestion de travail collaboratif. Dans sa dernière étude dédiée au domaine, Forrester le classe parmi les leaders du marché aux côtés de Workfront et de Wrike et non loin de ServiceNow, Asana et Monday.com. A partir de feuilles de calcul reliées à des bases de données, la plateforme propose créer des workflows et des tableaux de bord personnalisés afin de gérer des projets, organiser la collaboration ou automatiser des flux de travail. L'éditeur américain cible plus spécifiquement les équipes marketing, IT (l'outil est plébiscité par les Scrum masters et les chefs de projet) et exploitation.

Smartsheet compte plus de 170 templates répondant à autant de cas d'usage. Sa place de marché comprend aussi quelque 70 connecteurs et intégrations pour s'interfacer à Google Drive, Jira, Microsoft Dynamics 365, Microsoft Teams, Salesforce ou encore Slack. Baptisée WorkPlace, sa plateforme orientée no code permet de créer des applications web et mobiles en utilisant les données de Smartsheet ou du contenu externe, issu de Google Docs par exemple. L'éditeur propose par ailleurs des parcours de formations très complets à base de webinaires et de tutoriels.

Lors de son événement Engage qui s'est tenu début juin 2021, Smartsheet a annoncé un renforcement de sa politique de sécurité, de gouvernance et de conformité. Un service de chiffrement est mis en place via le service de gestion de clés de chiffrement (KMS) d'Amazon Web Services. Un partenariat avec McAfee permet d'intégrer la solution CASB (Cloud Access Security Broker) de ce dernier pour détecter les menaces et prévenir les fuites de données. En termes de rétention de données – une des exigences du RGPD -, un administrateur peut dorénavant définir une stratégie de suppression automatique des feuilles de calcul après un certain laps de temps ou une période d'inactivité.

Smartsheet a également intégré la solution de signature électronique DocuSign et proposera prochainement de choisir sa région d'hébergement lors de la création d'un compte afin, là encore, de répondre aux exigences réglementaires sur les données personnelles. Une première région sera créée en Allemagne cet automne. Enfin, l'éditeur s'est rapproché de UiPath, le leader mondial de l'automatisation des processus métiers (RPA). Ses robots logiciels viendront automatiquement alimenter et mettre à jour les données des feuilles de calcul du tableur. Basé à Washington, Smartsheet compte plus de 83 000 clients payants dont plus de 90 entreprises issues du Fortune 100.


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