Loin d'être un nouveau format, la location fait pourtant parler d'elle ces derniers mois. Petit Bateau a lancé des box de vêtements pour bébé en ligne en novembre 2022, Kiabi teste la location en magasin depuis septembre de la même année, Decathlon loue des vélos enfant depuis octobre 2021 et Gémo des vêtements de grossesse. Si le modèle a été éprouvé par d'autres, comme les loueurs de ski ou de matériel technique, le paradigme change et la location s'attaque aux vêtements, aux équipements sportifs ou aux meubles, avec des start-up comme Airnest. La location s'inscrit désormais dans les politiques RSE des entreprises et devient partie prenante des circuits d'économie circulaire mis en place par les retailers.

"La location chez Petit Bateau est partie d'une réflexion globale sur l'économie circulaire. En 2030, un produit sur trois que nous vendons devra être issu de l'économie circulaire. Mais mettre en place de la location nécessite de se transformer : louer et relouer ne peut pas fonctionner si le produit ne résiste pas aux lavages", énonce Delphine Lebas, la directrice RSE de la marque vestimentaire. La location demande donc une réflexion complète de l'entreprise et ne s'adapte pas à tous les produits. "La location fait sens pour le ski, pas pour les joggings et baskets. Tout va dépendre de l'usage et de la profondeur de la catégorie. La problématique dans la location se joue dans la gestion du calendrier et dans la logistique", continue Julien Bruitte, le CEO d'Origami marketplace, un éditeur de solutions marketplace adaptées à l'économie circulaire.

Une organisation à revoir

Pour Alban Lemaire, le cofondateur d'Airnest, qui propose de la location de meubles, "la rentabilité du modèle va dépendre de la durée de vie utile en location de l'article. Le nombre de locations ne joue pas forcément car leur durée va différer. Il faut prendre en compte le prix d'achat, le coût logistique, le reconditionnement". Proposer des box de location chez Petit Bateau "n'est pas un petit truc sur un coin de table. Cela demande une transformation complète de l'entreprise", tranche Delphine Lebas.

L'entrepôt de la marque centenaire situé à Buchères près de Troyes n'était pas prévu pour accueillir un format d'économie circulaire. "Il faut des machines à laver, des machines de désinfection. Nous avons dédié 100 mètres carrés de l' entrepôt à cette activité, nous avons réaffecté certains de nos employés", détaille la directrice RSE. Même son de cloche du côté des SI, "nos équipes ont du s'arracher les cheveux car le système est construit sur un modèle linéaire. Nous nous sommes faits accompagnés de partenaires comme Lizee, une solution de gestion des opérations de location et de ventes de seconde main. Mais nous avons voulu garder notre logistique en interne pour en garantir la qualité", continue Delphine Lebas.

Du test and learn

"Nous avions la certitude qu'il fallait tester la location, mais nous nous sommes dit que nous allions fonctionner en test and learn", ajoute-t-elle. Petit Bateau a choisi de créer des box de vêtements pour bébés de 0 à 24 mois en location, que le client alimente avec les 150 références proposées sur le site. Il n'y a pas d'engagement et la facturation se calcule par jour de détention. "Un bébé change six fois de taille en douze mois, la durée de vie du produit est supérieure à son usage. Nous avons construit un business plan location avec un modèle qui marche si les produits sont gardés deux mois. D'après nos premiers résultats, l'hypothèse était la bonne", se félicite la directrice RSE. Si la marque souhaite passer aux vêtements pour enfant, le modèle devra évoluer : "Un enfant garde sa taille un an donc la location devra se faire sur plus long terme et le prix devra baisser".

Entre omnicanal, en magasin ou seulement online, les retailers s'essayent à différents formats. Kiabi teste depuis septembre 2022 la location directement en magasin pour les vêtements de toute la famille. Une fois la pièce louée retournée, elle repart dans le circuit en seconde main. Decathlon a choisi un modèle omnicanal pour son offre lancée en octobre 2021. "Les produits loués sont à la fois disponibles en magasin, 160 magasins à date pour la musculation, l'ensemble des magasins pour les vélos, avec une offre exhaustive sur le site", nous ont détaillé les équipes de Decathlon par e-mail. Petit Bateau a misé sur un modèle online pour centraliser sa logistique : "Nous ne pouvions pas installer des machines à laver dans chaque magasin", plaisante Delphine Lebas.

Côté résultats, Petit Bateau a enregistré 70 000 connexions lors du premier mois et emmagasine les retours d'expérience : "Nous pensions louer beaucoup de vêtements de nuit et nous louons finalement beaucoup de vêtements de jour. La sensibilité des clients sur le prix est forte : en période de soldes, la différence de prix plus faible entre du neuf soldé et de la seconde main ou de la location a un impact sur les flux", témoigne Delphine Lebas.

L'évidence des catégories bébé et enfant

Decathlon a d'abord testé son format de location sur les vélos pour enfants. "Les enfants grandissent vite, leurs besoins évoluent très rapidement : la location dans ce contexte trouvait tout son sens", expliquent les équipes de Decathlon. Petit Bateau s'intéresse aux catégories bébés de 0 à 24 mois pour débuter, Gémo propose des vêtements de grossesse. "Le bébé est un cas d'usage évident, que les produits soient neufs ou pas n'est pas dérangeant. Nous nous adressons principalement aux jeunes urbains, ils n'ont pas la place pour stocker des vêtements pour bébé et encore moins des meubles", observe le cofondateur d'Airnest, Alban Lemaire. Si c'est un axe de développement pour la start-up, elle n'a lancé son service de location qu'à l'été 2022 et ne possède pas un catalogue encore assez large pour proposer des packs chambres enfants et bébés. "Si nous nous lançons, nous devrons chercher les bons fabricants et changer nos campagnes d'acquisition avec de nouveaux mots clés", anticipe Alban Lemaire.

Aller plus loin dans le reconditionnement

Petit Bateau a choisi de renvoyer les produits en location tant qu'ils sont comme neufs et de les revendre en seconde main s'ils ne sont plus qu'en bon état. Chez Decathlon les produits loués finissent aussi leur circuit en seconde main. "Nous avons un produit couplé à des services, nous permettant de tirer des enseignements de l'usage et de se nourrir des retours, notamment sur les besoins de réparation. L'écoconception est donc au cœur de notre dispositif, encourageant une plus forte réparabilité et donc durabilité des produits", nous ont indiqué par mail les équipes de Decathlon.

Chez Petit Bateau aussi la réparabilité et le recyclage sont au cœur du modèle. "Notre objectif est de fermer la boucle, en travaillant la réparation de nos produits et en réussissant à faire du Petit Bateau avec du Petit Bateau, c'est-à-dire fabriquer des vêtements d'une qualité équivalente à du Petit Bateau en recyclant les vêtements de notre marque", témoigne Delphine Lebas. Decathlon et Petit Bateau sont partenaires de Scirt, une plateforme européenne qui travaille sur des tests de matières recyclés. "Recycler de la matière n'est pas si compliqué, mais refaire un produit durable et avec les mêmes gages de qualité est un défi auquel nous n'avons pas encore la solution", conclut Delphine Lebas.


Source link