"Il faut que l'entreprise se sente à égalité avec le candidat, qu'il y ait du respect et de la considération, prévient d'emblée Noémie Ciccurel, directrice de l'apprentissage et du développement du cabinet de recrutement Robert Half. Pour réussir un recrutement, il faut que le candidat se sente désiré".

D'une façon plus globale, Camille Cosnefroy, dirigeant de Work4, explique que "les recruteurs doivent revoir leur façon de faire. Ils ont besoin d'apporter de la flexibilité, d'être réactifs, parce que les candidats ont plusieurs propositions, c'est assez inédit. Il faut être capable de vendre le poste, ne pas s'adresser seulement à ceux qui recherchent du travail mais aussi au marché passif ", en emploi, mais potentiellement à l'affût d'opportunités. C'est d'ailleurs ce que fait Work4, qui source des candidats potentiels en emploi, via les réseaux sociaux personnels et non-professionnels, pour trouver des profils dans les métiers essentiels.

Martine Guillemot Mauderly, consultante entreprise à l'Apec, l'Association pour l'emploi des cadres, prévient aussi que "chaque étape est un moment important, qui doit être surveillé comme le lait sur le feu".

Un maître mot : communiquer

L'élément le plus fondamental est la communication. Quelle que soit l'issue de leur candidature, les postulants doivent en être informés personnellement à chaque étape, de vive voix dès qu'il y a eu un contact (appel, à plus forte raison entretien). Les experts interrogés conseillent de prendre le temps d'expliquer pourquoi la candidature n'est pas retenue et de trouver une note positive dans le profil du candidat, voire de lui expliquer quel type d'offre lui conviendrait mieux.

Les candidats doivent aussi avoir "de la visibilité dès le début sur les étapes et le temps entre elles", estime Noémie Cicurrel. En soi, un processus long n'est pas forcément rédhibitoire, "il faut juste le savoir, l'annoncer dès le départ, s'y tenir et si changement prévenir le candidat". D'ailleurs, lors du premier contact, Martine Guillemot Mauderly recommande de "s'assurer que le candidat est dans de bonnes conditions pour échanger".

Il faut également leur expliquer le plus possible le contenu des différentes étapes, pour ne pas que les candidats se sentent perdus, "prévenir qu'il y aura plusieurs personnes, des tests, des mises en situation. Tout s'entend, par exemple le fait qu'il y ait trois personnes en face, le responsable des ressources humaines, le manager, le directeur général, parce que les agendas sont tendus et qu'ils préfèrent tous voir d'un coup le candidat. Celui-ci est alors préparé, il peut comprendre", explique la consultante de l'Apec. Et si le candidat sait ce qu'on va lui demander à chaque entretien, il peut le préparer.

Si de l'avis des experts, poser des questions piège n'a plus lieu d'être actuellement dans le recrutement, Martine Guillemot Mauderly rappelle tout de même qu'il "ne faut pas éviter de poser des questions. S'il y a un point d'expérience à éclaircir, il faut le faire, il y a un enjeu de tenue de poste. Et chercher à comprendre candidat, le valoriser, montrer l'intérêt, tant que c'est fait avec tact".

"Vérifier qui est dans le process de recrutement, recommande aussi Noémie Cicurrel : plus il y a d'interlocuteurs, plus il y a d'avis différents. Que va apporter chacun aux candidats et à l'entreprise, quel est le rôle de chacun ? Il faut éviter que le candidat ait à répéter la même chose à plusieurs entretiens, sinon il ne comprend pas la valeur ajoutée, et cela peut l'inquiéter. Donc il faut penser en amont à qui vérifie quoi".

Le recrutement se poursuit même une fois la sélection terminée

Toutes les étapes sont importantes. Le fait d'annoncer à un candidat qu'il a été retenu doit se faire dans les formes, de vive voix, idéalement par le manager opérationnel, pas par un stagiaire, un assistant, ou une personne qui n'a pas participé au processus. "La réponse positive doit être vécue comme un acte de vente, assure Noémie Cicurrel. C'est le premier acte de valorisation".

Et les étapes suivantes sont aussi cruciales. D'abord la période de préavis pour les candidats déjà en poste ailleurs. "Valider qu'il a bien donné sa démission, avoir s'il a négocié un préavis plus court, conseille Martine Guillemot Mauderly. Et pendant toute la période : informer de ce qu'il se passe dans l'équipe, s'assurer de la bonne motivation. Ce n'est pas que le rôle des RH mais aussi du manager opérationnel : parler des dates de formation, de l'avancement du projet, commencer à l'intégrer petit à petit pour qu'il fasse partie de l'équipe avant son arrivée, faire un peu de réseau, éventuellement l'inviter à un pot, une soirée, un déjeuner informel. Plus le préavis est long, plus il faut faire attention".

Il ne faut pas non plus "le presser" mais trouver "le bon dosage" : peut-être "appeler une fois tous les quinze jours – trois semaines, pas le lundi à 8h mais trouver un moment plus tranquille dans la journée, doser en fonction de l'environnement et de comment se passe le préavis". La période d'intégration en entreprise doit aussi être l'occasion de renouveler son attention au candidat, de le former, de lui montrer dès le début les parcours d'évolution possible pour lui donner envie de rester.

S'adapter aux candidats

Au final, ce qui compte, c'est de prendre en compte les attentes des candidats. Si le besoin d'information et de communication est universel, certaines exigences varient selon les secteurs. C'est notamment le cas pour les outils : certains publics veulent quelque chose de très numérique, d'autres sont relativement peu à l'aise avec les outils les plus récents. Pour Camille Cosnefroy, "quand on veut aller dans l'innovation, cela peut faire peur. Un CV vidéo n'est jamais un exercice facile, s'enregistrer est moins agréable. Après, les générations plus récentes sont dans cette culture, mais pour une part de la population c'est moins facile.

Le process doit s'adapter aux candidats, l'innovation s'adapte aussi aux secteurs. La vidéo enregistrée est utile quand on a besoin de voir si la personne est à l'aise à l'oral". Et cela, il faut le faire comprendre aux candidats. "Que ce soit des process vidéo, des tests de personnalité, si on ne donne pas de perspective, qu'on ne dit pas pourquoi il faut faire cela, le candidat s'en va", assure Matthieu Pennet, fondateur de Yaggo.

Camille Cosnefroy estime ainsi que "le CV et la lettre de motivation dans la situation actuelle cassent la spontanéité, on est dans une génération zapping" et il conseille "une candidature en quelques étapes, un questionnaire plus simple. Le CV peut être bloquant, surtout quand on le fait sur mobile, même si cela reste un outil important". Avec sa société, qui propose des outils d'aide au recrutement dans les secteurs en tension, il propose ainsi des outils pour postuler en quelques clics, depuis n'importe quel appareil.

Sur les processus, le dirigeant note aussi que "quand un candidat est déjà en poste, si on l'appelle à 11h matin, il est au travail. Donc il faut des propositions en fin de journée, s'ajuster, être plus innovant, savoir que le candidat ne sera pas disponible pour le premier appel". Accepter des rendez-vous en fin de journée ou proposer des processus asynchrones (entretien en vidéo différée, par exemple) sont des solutions possibles.

Le mieux à faire dans ce cas est de demander leur avis aux candidats – et pas uniquement ceux qui ont été retenus, en recueillant leurs retours, idéalement sur des questionnaires un peu détaillés, qui leur permettent d'expliquer ce qu'ils ont apprécié et ce qui les a gênés dans le processus. Ce que permet par exemple de faire Yaggo, qui se charge pour ses clients de répondre à tous leurs candidats et recueille leurs feedbacks. La solution peut aussi revenir vers le candidat avec une offre qui lui correspond et un lien pour postuler.

Noémie Cicurrel conseille aussi "d'aller regarder des commentaires de salariés ex salariés sur les sites de notation pour voir comment on est perçu, quels sont les points névralgiques. Si beaucoup de candidats disent non, il faut les appeler pour leur demander ce qu'on peut faire de mieux. Mais ce n'est pas tout de poser des questions, il faut en faire quelque chose, éplucher les données, faire remonter les informations".

Les conditions de travail restent un élément clé dans le recrutement : salaires, horaires, pénibilité, télétravail dès les premières semaines… Et les entreprises ont impérativement besoin de travailler dessus pour attirer les bons profils. "Plus les conditions sont bonnes, plus le candidat est prêt à prendre le poste", note Camille Cosnefroy. Selon les métiers, le contenu même du poste doit être valorisé. "Dans l'informatique, les candidats viennent pour les projets à venir, constate Martine Guillemot Mauderly, ce qu'ils vont leur apporter, quelles compétences cela va leur permettre de développer, quelle employabilité cela va leur donner. C'est à faire dès la définition des besoins. Beaucoup d'entreprises racontent ce qu'elles ont fait dans le passé, mais les gens veulent savoir ce qu'ils vont faire".


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