France Pub, l'Irep et Kantar ont présenté ce 15 mars le Baromètre unifié du marché publicitaire (Bump) pour 2021. Principal enseignement, le marché de la communication a connu une croissance spectaculaire l'an dernier :

  • 31 milliards d'euros investis en communication (événementiel compris) en 2021, soit +17% par rapport à 2020 mais -8,3% par rapport à 2019.
  • Les montants investis en 2021 ont effacé plus de 60% des pertes enregistrées lors de la crise sanitaire.
  • Les recettes publicitaires des médias, mesurées par l'Irep, s'élèvent à 15,93 milliards d'euros, en progression de +18,3% par rapport à 2020 (et de +2,2% vs 2019).
  • Seuls la télévision et le digital sont en croissance comparé à 2019. Ce dernier a gagné 7 points de parts de marché en 2021, d'après France Pub.

"Un rebond aussi spectaculaire, c'est du jamais vu, c'est plus de deux fois la croissance économique du pays. Fin 2021, le marché avait déjà retrouvé le niveau d'activité publicitaire d'avant la crise sanitaire", explique au Journal du Net, Xavier Guillon, directeur général de France Pub, à propos de la croissance de 17%.  

Alors que ces investissements restent à un niveau inférieur de 8,3% comparés à 2019, l'analyste observe ces résultats avec beaucoup d'enthousiasme : "En une seule année, le marché a déjà rattrapé plus de 60 % des pertes subies en 2020. Lors de la crise précédente, de 2008 (la crise bancaire et financière qui a fait suite au scandale des subprimes aux Etats-Unis, ndlr.), il avait fallu huit ans au marché pour se récupérer de ses effets", poursuit-il.

"Un rebond aussi spectaculaire, c'est du jamais vu, c'est plus de deux fois la croissance économique du pays"

Du côté des recettes compilées par l'Irep pour le périmètre des médias (télévision, cinéma, radio, presse, affichage, courrier, annuaires et digital), et donc hors événementiel, on observe un total de 15,9 milliards en 2021, en hausse de 18,3% comparé à 2020 et de 2,2 % vis-à-vis de 2019.

Comment expliquer un tel rebond ? Pour Xavier Guillon, c'est surtout dû à la manière dont la crise sanitaire a été gérée en France, avec de nombreuses aides financières et la logique du "quoi qu'il en coûte" pour compenser les périodes d'arrêt brutal de l'économie. "Les dépenses des ménages et les investissements des entreprises ont été préservés, ce qui a permis aux annonceurs d'être très offensifs en 2021 pour rattraper leur part de marché et profiter de la croissance", analyse-t-il.

Dans ce contexte, seuls le digital (resté stable en 2020 comparé à 2019) et la TV sont en croissance en 2021 comparé à 2019, avec +20,8 % pour le digital, et +4 % pour la télévision. "Dès le deuxième semestre 2020, le digital avait récupéré voire légèrement dépassé les niveaux d'investissement de 2019", précise Xavier Guillon.

Une performance qui a valu au digital 7 points de plus de parts de marché en 2021 comparé à 2019 au détriment notamment des investissements en communication dite événementielle, regroupés par France Pub dans le segment "autres médias", soit le plus exposé à la crise sanitaire. Ce segment poids-lourd, qui pèse pour près de la moitié des investissements en communication, inclut le parrainage, le mécénat, les expositions, les relations publiques, les promotions, le marketing direct, la PLV, etc. Avec 7 points de parts de marché de moins en 2021 qu'en 2019, ce secteur un peu plus de mal à remonter la pente (+16 % comparé à 2020 ; -19,7 % vis-à-vis de 2019). En 2021 il a réussi à rattraper seulement un tiers de ses pertes de 2020.

La situation n'est pas la même chez les "5 médias" – presse, télévision, radio, affichage et cinéma – qui ensemble ont réussi à préserver leur part de marché et à récupérer les 2/3 des pertes de 2020 selon France Pub. Si ce tableau paraît beau, il faut en revanche le regarder dans les détails, de plus près.

Le Bump mesure tous les leviers de la communication : offline et online, médias, marketing direct, RP, événementiel, etc. Il regarde à la fois les dépenses des annonceurs sur tous les leviers de communication (France Pub), les recettes publicitaires des régies des médias classiques plus le digital (Irep) et les volumes des inventaires publicitaires commercialisés (Kantar).

La récupération des différents médias reste très inégale vis-à-vis de 2019 parce qu'ils n'ont pas été affectés par la crise de la même manière. Dans le segment des "5 médias", la presse, la radio, l'affichage et le cinéma, s'ils ont tous enregistrés des hausses en 2021,  ils restent pour la plupart à des niveaux inférieurs à ceux de 2019. Pris individuellement, la télévision est le seul média hors digital à avoir enregistré de la croissance vis-vis de 2019.

"La presse reprend une tendance de fond de progressive perte de vitesse à l'exception notoire de la PQN"

La presse, entendue ici comme les marques médias en print et en digital, a enregistré 1,83 milliard de recettes en 2021, soit +13,5 % comparé à 2020 mais -10,4 % vis-à-vis de 2019. Les chiffres compilés côtés annonceurs indiquent les mêmes tendances. Ce segment garde sa tendance de fond plutôt récessive d'avant la crise. "La presse reprend une tendance de fond de progressive perte de vitesse à l'exception de la PQN", précise Xavier Guillon. La presse quotidienne nationale est de fait la seule sur ce segment à avoir une performance légèrement en hausse comparé à 2019. "La montée en puissance de la communication RSE qui exige des environnements favorables à l'attention et au temps d'exposition peut en partie expliquer cette performance", indique le directeur général de France Pub.

La radio, si elle a fini 2021 avec -5% comparé à 2019 en investissements annonceurs et -4 % en recettes, fait partie des médias s'étant mieux récupérés que la moyenne du marché, dont le niveau, on l'a vu, est de 8,3% inférieur à celui de 2019 pour les investissements.

Le cinéma et l'affichage (OOH et DOOH compris) – soit les plus pénalisés par la crise parmi ces "5 médias" – ont connu des rebonds "spectaculaires" là encore à la suite de chaque desserrement des contraintes sanitaires. En 2021 le cinéma a enregistré une hausse de 69,5 % de ses recettes vis-à-vis de 2020, mais reste à des niveaux de 57,5 % inférieurs à ceux de 2019 ; l'affichage (OOH et DOOH)  a capté +22 % comparé à 2020, mais avec -19 % comparé à 2019.

L'étude de l'évolution du marché de la communication dans un contexte aussi particulier que celui de sortie d'une crise sanitaire hors pair illustre et confirme quelques dynamiques sectorielles intéressantes. Le secteur des biens de consommation ont augmenté de 12% à 25% leurs investissements en communication digitale en 2021 comparé à 2019. "Les fabricants ont renforcé de manière assez unique leurs efforts de communication directement à l'attention des consommateurs finaux dans le but de garder le lien avec eux", commente Xavier Guillon.

Les effets des confinements, du port du masque et d'autres contraintes sanitaires se manifestent également de façon très nette dans les investissements par secteur d'activité : l'hygiène beauté, le voyage, le tourisme, le transport, l'automobile et la culture & loisirs sont ceux qui ont le moins investi ; l'informatique, les appareils ménagers, les télécommunications et l'ameublement & décoration sont parmi les plus offensifs.

Un avenir incertain

Si ces dynamiques constatées en 2021 se poursuivaient et à condition que la guerre en Ukraine se termine sans dégénérer davantage, 2022 suffirait pour effacer toutes les pertes subies en 2019 et même dépasser le niveau d'investissements d'avant la crise sanitaire d'après ces analyses. Basées sur les déclarations des annonceurs et supposant un PIB à +3,5%, ces projections font état d'un marché qui devrait finir l'année avec une évolution de 9,4% comparé à 2021, en hausse de 0,4% par rapport à 2019.

Cette vision plutôt optimiste s'explique par une conjoncture de moyen et long terme favorable aux investissements publicitaires. "L'économie française est fortement portée par les perspectives de transformation à travers notamment la rélocalisation, la réindustrialisation et les nouvelles politiques énergétiques à l'instar du plan d'investissement France 2030", analyse Xavier Guillon. "Cela génère déjà une accélération des investissements en communication car les entreprises modifient leur ADN et leur offre et elles doivent l'expliquer."

Les auteurs de l'étude mettent en garde cependant sur la validité de ces prévisions : elles dépendront directement de l'évolution internationale liée à la guerre en Ukraine.


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