L'abandon par Google du modèle d'attribution au last click dans ses produits publicitaires depuis l'automne dernier serait-il en train d'impacter négativement le secteur du marketing d'affiliation ? "Le phénomène reste encore très limité mais le fait est que je constate depuis la fin de l'année dernière des baisses significatives dans les conversions qui remontent chez quelques-uns de nos gros marchands", explique Guillaume Bournizien, directeur marketing audience du Parisien, à l'origine de la création du guide shopping Le Parisien Le Guide. Ils ne seraient pas plus de cinq annonceurs à baisser leur participation, parmi les 200 programmes publicitaires de ce guide qui génère quelques 25 millions de visites par an et dont les recettes ont augmenté de 30 % en 2021 comparé à 2020. Mais c'est suffisant pour susciter des interrogations.

"Je constate depuis la fin de l'année dernière des baisses significatives dans les conversions"

"Ces annonceurs ont comparé les performances traquées par les plateformes d'affiliation avec lesquelles nous travaillons, et qui pour la plupart fonctionnent selon le modèle de l'attribution au last click, avec les estimations données par Google Analytics, qui elles tiennent compte de la contribution d'autres leviers", précise Guillaume Bournizien. Résultat : considérant que leurs ventes ont pu être générées par d'autres leviers, ces marchands ont eu tendance à  invalider des conversions enregistrées en affiliation.

Guilhem Bodin, directeur associé chez Converteo, cabinet conseil spécialisé dans la mesure de l'efficacité marketing, confirme que les résultats ne s'accordent souvent pas : "Quand on compare  les résultats d'une plateforme d'affiliation avec ceux fournis par un outil de type Google Analytics, on observe souvent des écarts considérables qui ne sont pas toujours en faveur de l'affiliation." Mais pour ce spécialiste, cet écart ne peut être influencé qu'indirectement par les annonces de Google de l'automne dernier, puisque ces dernières étaient relatives à Google Ads et non à Google Analytics. En effet, Google a remplacé le last click par défaut par une modélisation data-driven sur tous les points de contact ayant lieu sur l'environnement Google Ads (search, shopping, display et YouTube). "La fin du last click annoncé par Google à l'automne ne concernait pas directement Google Analytics, dont la migration vers un modèle d'attribution data driven par défaut est seulement en cours depuis le lancement de la version 4. Dans la version précédente toujours live, où le modèle last click reste part défaut, les annonceurs plus matures peuvent cependant configurer une analyse tenant compte de plusieurs points de contact." Et c'est bien ceux annonceurs là, plus matures, sachant activer des fonctionnalités d'attribution multitouch sur Google Analytics, qui ont pu constater des écarts plus importants de contribution entre les informations indiquées par l'outil d'analytics et les données des plateformes d'affiliation.

Des écarts qui ne surprennent pas les plateformes d'affiliation elles-mêmes : "Le différentiel est significatif parce que nous ne comptons pas les choses de la même manière : les outils de tracking des plateformes d'affiliation remontent les conversions à la suite d'un clic sur un lien tracké, tandis que Google Analytics commence à compter à partir du chargement de la page. Ne partant pas de la même configuration, à l'arrivée, les différences de résultats peuvent être importantes autant en termes de mesure que d'attribution", précise Paul Mazouer, un ancien de Tradedoubler récemment nommé directeur commercial affiliation chez Rakuten Advertising.

Pour ce spécialiste de l'affiliation, s'il est fondamental que les annonceurs puissent disposer d'une vision globale et précise sur la contribution de chaque levier marketing (affiliation, display, search, etc.), seuls les outils d'attribution tiers, indépendants, peuvent fournir des réponses en toute neutralité. "Google est juge et partie et ses critères de scoring ne sont pas objectifs : il y a forcément une part de jugement sur ce que Google considère comme étant plus important", estime Paul Mazouer. Guillaume Bournizien défend pour sa part l'adoption de critères de pondération plus clairs : "C'est tout à fait normal que les annonceurs disposent d'un modèle tenant compte de tous les leviers ayant pu contribuer à une conversion, mais pour cela il faut trouver un juste équilibre entre toutes ces contributions et des critères lisibles pour cette pondération : c'est important d'attribuer la bonne vente aux bons canaux, mais il ne faut pas oublier la performance, puisque c'est elle qui déclenche la vente."

"Le marché ne dispose plus des mêmes capacités de tracking déterministe qu'avant."

Mais le problème n'est peut-être même pas que là : pour Guilhem Bodin, la véritable raison à ces écarts de mesure est à trouver ailleurs, dans la perte de vitesse des cookies tiers. "L'exigence de consentement, les limites imposées aux cookies tiers par différents navigateurs et la perspective de leur fin chez Chrome font que le marché ne dispose plus des mêmes capacités de tracking déterministe qu'avant." Résultat : la rareté de cookies de qualité générerait déjà une lecture floue du parcours de l'internaute sur tous les outils d'attribution et sur Google Analytics. Une évaluation imprécise qui impacterait la prise de décision des annonceurs, y compris vis-à-vis de l'affiliation.

Ce spécialiste pousse encore plus loin cette analyse pour indiquer que c'est le modèle même de l'affiliation tout comme la logique au cœur des outils d'attribution du digital qui se trouvent fortement chalengés par la fin progressive des cookies tiers. "Le tracking est encore très dépendant des cookies tiers et les alternatives à l'étude pour les remplacer comme l'affiliation server-to-server, l'attribution via des ID, etc. ne suffisent pas encore pour répondre à tous les besoins."

Que faire alors ? "Il n'y a pas de solution miracle, mais une piste pour analyser l'affiliation à sa juste valeur dans un monde sans cookies tiers serait de le faire via des AB tests qu'on pourrait ensuite extrapoler mais en tenant véritablement compte de ses trois grands différents parcours séparément – les affiliés haut de funnel (influenceurs), les mid-funnel (sites à contenus) et bas de funnel (bons de réduction, couponning, etc.). Le souci aujourd'hui, c'est qu'on mélange tout", conclut-il.


Source link