Un juste équilibre ?

L'innovation désigne "l’introduction sur le marché d’un produit ou d’un procédé nouveau ou significativement amélioré par rapport à ceux précédemment élaborés", d’après l’INSEE. De par sa définition, l’innovation est donc bien souvent un gage d’amélioration, de progrès. C’est particulièrement le cas de l’innovation technologique, sujet d'intérêt de ma prise de position aujourd’hui. Elle a eu des effets positifs lors de ces dernières années, avec l’apport de nouveautés qui ont grandement contribué à améliorer notre confort, notre façon de communiquer, de nous transporter, de nous soigner. Nous pouvons par exemple citer la réalité augmentée, la science des données, l’intelligence artificielle, qui ont façonné ces dix dernières années.

Si les innovations technologiques apportent de telles avancées, il faut aussi mettre en balance les différents effets moins positifs qu’elles peuvent engendrer. Le principal problème vient souvent de la mise à l’échelle de ces transformations, nécessitant toujours plus d’énergie et de matières premières aussi bien de la fabrication à l’exploitation pour répondre aux besoins et à une demande grandissante. Nous pourrions ici parler d’obsolescence programmée (1954, Brooke Stevens), avec le cycle de vie très court des smartphones ou prendre comme autre illustration la blockchain, à la croisée de la prouesse technologique, de la plus-value apportée, et de l’ogre énergétique que cette technologie est.

La technologie au service de la durabilité environnementale

Si nous mettons de côté les effets d’annonces “greenwashing”, force est de constater que de nombreuses innovations viennent contribuer à ces enjeux environnementaux. Phenix qui a développé différentes solutions technologiques pour limiter les déchets dus aux invendus alimentaires. InnovaFeed qui produit une nouvelle source de nutriments afin de nourrir une population croissante de manière saine et abordable, tout en allégeant la pression sur les ressources naturelles. Ou encore Spareka qui développe des outils pédagogiques (tutos, diagnostics, réparation à distance) favorisant la réparation de nos équipements du quotidien.

Quelles sont les pistes pour innover "vert" ?

Mais au-delà des exemples d’innovation directement liés à la cause environnementale, tous les acteurs du numérique doivent appliquer de nouveaux principes pour innover et minimiser son empreinte dans son processus d’innovation.

  • Répondre aux besoins des utilisateurs c’est bien, avoir une réponse juste, c’est mieux.

Il est important de revenir à une approche de designer en faisant systématiquement une observation approfondie (études terrain, interviews) pour comprendre exactement les besoins avant de ne prioriser que les éléments à forte valeur. Cela permet ensuite de mieux rationaliser les données à récupérer par exemple. Cette étape élimine les options superflus, et au final, les utilisateurs vous remercieront. Mais savoir gérer l’utilité de son produit c’est aussi être en capacité d’ajouter ET supprimer des fonctionnalités et capacités à tout moment.

Un très bon exemple de cette prise de conscience avec Apple et la fonctionnalité 3D Touch (différents niveaux de pression sur l'écran tactile) qui a été supprimée des derniers iPhones car elle n’apportait pas de plus-value aux utilisateurs. 

  • En tant qu’acteurs du numérique, nous devons nous efforcer à imaginer, inventer et concevoir des solutions pérennes, robustes, efficientes. Le développement de nouvelles solutions doit dès le début être pensé modulaire pour favoriser les évolutions futures et sa maintenabilité. L’apport des APIs et la gouvernance à mettre en place pour en tirer profit permettent par exemple de faciliter l’intégration de futures fonctionnalités en créant des canaux d'intégration standardisés et d'optimiser la réutilisation de fonctionnalités précises. En complément, il existe des bonnes pratiques de développement à suivre. Concrètement pour les projets au quotidien, j’exploite avec des développeurs une trentaine de principes et outils. Pour n’en citer que deux : provisionner des infrastructures au plus près des ressources nécessaires et limiter l’usage de média “lourds”.
  • Innover pour tous, sans barrières à l’entrée, c’est favoriser l’accès à cette nouveauté et ne pas promouvoir des changements non nécessaires. Il est plus que jamais primordial de favoriser la rétro-compatibilité pour ne pas inciter les utilisateurs à changer de matériel pour continuer à utiliser les mêmes applications et s’assurer du support d’un ensemble de terminaux.

Pas plus tard qu’hier, je venais  de m’apercevoir que mon application de sms ne supportait plus la version d’OS de mon téléphone vieux de 2 ans alors que les deux sont fournies par le même éditeur. Même si l’application est toujours utilisable (pour l’instant), l’éditeur me pousse à envisager l’achat d’un nouveau téléphone si je veux continuer à profiter des innovations qu’il partage à travers cette application (et les autres).

La plupart des constructeurs de smartphones s’engagent d’ailleurs souvent à fournir des mises à jour pendant 3 ans maximum, laissant ensuite l’obsolescence s’installer. Quand nous voyons la performance encore plus qu’acceptable de certains téléphones 4-5-6 ans après leur sortie, cette politique de MAJ ne devrait plus exister.

C’est en adoptant des approches volontairement minimalistes que les entreprises soucieuses de l’environnement doivent se tourner. La qualité plutôt que la quantité comme le dit le dicton populaire. Les utilisateurs sauront vite identifier les entreprises qui prennent vraiment à bras le corps leurs responsabilités, sans attendre le bâton législatif pour avancer. Nous y gagnerons tous, entreprises, utilisateurs, mais surtout notre environnement. 


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