JDN. Nous vous retrouvons en ce mois de septembre 2022 à la tête de Solendro, la société d'e-commerce que vous aviez fondée et dont vous aviez été révoqués en 2020 en raison d'un litige avec vos actionnaires, les fonds Breega et Internet Attitude. Pouvez-vous nous expliquer ce coup de théâtre ?

Jules Delmas et Matthieu Géhin, cofondateurs et dirigeants de Solendro. © Solendro

Matthieu Géhin. En 2020, le chiffre d'affaires de Solendro croît de 30%. L'entreprise est à l'équilibre. Au terme de l'année, le chiffre d'affaires est de 7 millions d'euros dans un contexte sanitaire très favorable au e-commerce. Après huit années de croissance, tous les actionnaires étaient d'accord pour vendre la société. Nous avons donc mandaté une banque d'affaires. Et quelques mois après, nous sommes donc victimes d'un coup de force de la part des deux fonds d'investissement que l'on avait fait rentrer dans notre capital des années avant : Breega et Internet Attitude.

Que s'est-il passé ?

Jules Delmas. Les deux fonds étaient majoritaires au capital et la contrepartie pour nous, inscrite dans le pacte des associés, était le contrôle opérationnel car nous avions la majorité au conseil d'administration. Un lundi matin, en juillet 2020, ils ont convoqué une assemblée générale dans nos locaux et au cours de l'assemblée, ils ont prétexté un incident de séance et voté notre révocation en tant que dirigeants, en violation totale des dispositions des statuts et du pacte. Grâce à leur majorité au capital, ils ont néanmoins pu voter cette résolution et entériner notre révocation au greffe. Ils ont ensuite activé une clause de rachat forcé pour s'accaparer nos actions au prix d'un euro l'action alors qu'elle était valorisée 109 euros. Nous disposions de 42% du capital, donc pour environ 40 000 euros, ils ont récupéré 42% d'une société valorisée entre 6 et 9 millions d'euros

A la suite d'une longue procédure judiciaire, vous êtes aujourd'hui de retour à la tête de votre société.

J.D. La cour d'appel a constaté la fraude lors d'un arrêt rendu le 31 mars 2022, donc toutes les décisions qui ont conduit à notre révocation et au rachat forcé de nos actions ont été annulées. Comme si rien ne s'était passé, nous sommes redevenus les actionnaires et dirigeants de Solendro.

M.G. Nous sommes revenus au statu quo ante, dans la configuration de juillet 2020, avec les mêmes actionnaires et dirigeants.

Dans quel état avez-vous retrouvé Solendro ?

M.G. Dans une situation financière très compliquée. Cinq jours après l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, trois chèques de la société d'un montant total de 240 000€ ont été encaissés. Trois jours plus tard, une déclaration de cessation de paiement, annulée ensuite, a été déposée pour le compte de Solendro par l'avocat de Breega. Nous avons réussi à renflouer l'entreprise par une opération de déstockage et en coupant les coûts puisque nous avons aussi découvert des collaborations avec des prestataires suspicieuses. La société avait toujours été en croissance depuis sa création et en 2021, le seul exercice où nous ne sommes pas là, le chiffre d'affaires de l'entreprise a chuté de 40%, avec des pertes telles qu'une procédure d'alerte a été ouverte par le commissaire aux comptes de l'entreprise. C'est ce que nous avons retrouvé le 31 mars.

J.D. Nous avons donc déposé une plainte pénale pour "escroquerie en bande organisée, recel, faux et usage de faux, et abus de biens sociaux". Nous attendons le déroulé de cette procédure.

Combien de personnes sont actuellement salariées de Solendro ?

J.D. Aujourd'hui, il y a quatre salariés en CDI, dont nous. Nous étions une petite dizaine quand on était encore en poste en 2020. Tous les salariés que nous avions recrutés ont démissionné après notre révocation et le coup de force de Breega et Internet Attitude.

M.G. Leur politique a été de faire appel à de nombreux prestataires, dont des souscripteurs de Breega. Ils n'étaient pas dans une logique de création d'emploi.

"Nos adversaires restent nos actionnaires"

Les fonds d'investissement sont donc toujours actionnaires de Solendro. Comment cette cohabitation se déroule-t-elle ?

J.D. Nos adversaires restent nos actionnaires. Pour être très honnêtes, nous n'avons pas de nouvelles d'eux.

M.G. Ils ne viennent plus aux assemblées générales. Nous ne pouvons cependant pas les faire partir : nous respectons les accords. Il faut juste s'assurer qu'ils ne nuisent pas.

J.D. Notre priorité est de sauver l'entreprise. La trésorerie est faible. Nous le faisons étape par étape, avec les moyens du bord. Notre logique est d'assurer la pérennité de l'entreprise.

Vous avez écrit à la BPI, souscriptrice du fonds d'investissement de Breega, et vous avez sollicité l'AMF. Avez-vous obtenu une réponse de leur part ?

J.D. Nous n'avons aucune nouvelle de la BPI. Quant à l'AMF, nous avons effectué une saisine auprès d'elle mais c'est très récent, donc nous attendons encore le retour.

M.G. Nous pensons que c'est extrêmement important de sensibiliser les souscripteurs sur l'éthique avec laquelle leur argent est géré, de surcroît lorsqu'il s'agit d'argent public. Nous souhaitons aussi avertir les autres entrepreneurs pour qu'une telle mésaventure ne se reproduise pas.

30.09.2022

Droit de réponse du fonds Breega à l'interview des fondateurs de Solendro, Jules Delmas et Matthieu Géhin, parue dans le Journal du Net le 27.09.2022

En réponse à l'interview donnée par les dirigeants de Solendro, Matthieu Géhin et Jules Delmas,  publiée  dans  le  Journal  du  Net  le  27.09.2022,  le  fonds  Breega,  actionnaire  de Solendro, tient à faire valoir son droit de réponse dans un souci de transparence et de respect de son intégrité.

Aussi, Breega souligne que l'affaire sera à nouveau examinée par la justice et attend un arrêt de la cour de Cassation pour en 2023.

Para 1, alinéa 1:

Déclaration > Matthieu Géhin: "En 2020, le chiffre d'affaires de Solendro croît de 30%, l'entreprise est à l'équilibre".

Fait > En 2020, le chiffre d'affaires de Solendro a crû de +3% et l'entreprise était en perte de 567K€, comme l'attestent les comptes annuels établis par le cabinet d'expertise-comptable, In Extenso.

Para 2, alinéa 1:

Déclaration > Jules Delmas: "Les deux fonds étaient majoritaires au capital"

Fait > Pour sa part, Breega détient moins de 25 % du capital.

Para 2, alinéa 8:

Déclaration > Jules Delmas: "Ils ont ensuite activé une clause de rachat forcé pour s'accaparer nos actions au prix d'un euro l'action alors qu'elle était valorisée 109 euros".

Fait > Breega, au contraire, a choisi de ne pas activer la clause de rachat dont elle bénéficiait selon le pacte d'actionnaires, et donc de ne pas acquérir les actions des Fondateurs.

Para 3, alinéa 1:

Déclaration > Jules Delmas: "La cour d'appel a constaté la fraude lors d'un arrêt rendu le 31 mars 2022"

Fait > Pour rappel, par un jugement du 21 janvier 2021 aux termes duquel MG & JD ont été intégralement déboutés de leurs demandes, le Tribunal de Commerce de Paris a constaté qu'aucune fraude ou violation de la loi n'avait été commise. MG & JD ont exercé un recours contre ce jugement . Si la Cour d'appel de Paris du 31 mars 2022 est revenue sur le jugement de première instance en faisant référence à la notion de fraude pour donner un fondement juridique à sa décision de réintégrer MG & JD dans leurs mandats, l'arrêt fait actuellement l'objet d'un recours devant la Cour de Cassation dont la décision est attendue en 2023. Il appartiendra donc à la plus haute juridiction de trancher le sujet.

Para 4, alinéa 2:

Déclaration > Matthieu Géhin "…Trois chèques de la société d'un montant total de 240 000€ ont été encaissés".

Fait > N'étant pas impliqué dans la gestion quotidienne de l'entreprise, Breega n'est évidemment ni l'émetteur ni le destinataire de ces chèques.

Para 4, alinéa 13:

Déclaration > Jules Delmas "Nous avons donc déposé une plainte pénale pour "escroquerie en bande organisée, recel, faux et usage de faux, et abus de biens sociaux. Nous attendons le déroulé de cette procédure".

Fait > Vrai. Breega a également déposé une plainte pénale pour abus de biens sociaux et escroquerie au jugement et songe aussi à déposer une plainte pour calomnie et diffamation compte tenu de la campagne de dénigrement dont elle fait l'objet.

Para 5, alinéa 5:

Déclaration > Matthieu Géhin: "Leur politique a été de faire appel à de nombreux prestataires, dont des souscripteurs de Breega. Ils n'étaient pas dans une logique de création d'emploi"

Fait > Encore, Breega n'a jamais été impliqué dans la gestion quotidienne de Solendro.

Para 6, alinéa 1:

Déclaration > Jules Delmas. "Nos adversaires restent nos actionnaires. Pour être très honnêtes, nous n'avons pas de nouvelles d'eux".

Fait > Breega a été physiquement présent au dernier CA de Solendro qui s'est tenu le 7 septembre dernier.

Para 6, alinéa 3:

Déclaration > Matthieu Géhin "Nous ne pouvons cependant pas les faire partir : nous respectons les accords".

Fait > Depuis leur réintégration, JD & MG ne délivrent plus aucune information sur l'entreprise aux actionnaires investisseurs en dépit de leurs demandes, y compris dans le cadre de la tenue des organes sociaux (assemblées et conseils), ceci en violation des accords régissant la gouvernance de la société.

Para 7, question JDN:

Déclaration > Journal du Net:  "Vous avez écrit à la BPI, souscriptrice du fonds d'investissement de Breega, et vous avez sollicité l'AMF…"

Fait > Vrai.

Para 7, alinéa 6:

Déclaration > Matthieu Géhin "Nous pensons que c'est extrêmement important de sensibiliser les souscripteurs sur l'éthique avec laquelle leur argent est géré, de surcroît lorsqu'il s'agit d'argent public . Nous souhaitons aussi avertir les autres entrepreneurs pour qu'une telle mésaventure ne se reproduise pas".

Avis Breega > Breega est un fonds créé par des entrepreneurs pour des entrepreneurs. Breega est désormais actionnaire de 70 start-ups. Si consultées, nous croyons que la très grande majorité décrira Breega comme étant un partenaire bienveillant, présent et honnête.


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