Jean de La Rochebrochard, chez Kima Ventures. © JdlR

JDN. Au lendemain du confinement, vous avez classé la situation des start-up de votre portefeuille en quartiles. Où se situaient les fintech ? 

Jean de La Rochebrochard. Dans le quartile où l'activité s'est globalement mise en pause. Ces six derniers mois ont été durs pour la majorité des fintech. Certaines ont dû prendre des décisions difficiles comme Payfit (logiciel de paie, ndlr) qui a notamment arrêté d'embaucher. Tous les mois, j'avais un call avec eux pour parler de leur situation. Je pense aussi à Ibanfirst (paiement multidevises pour PME, ndlr) qui a cravaché pour s'en sortir, pour faire du chiffre, ou encore Spendesk (gestion des dépenses d'entreprises, ndlr), qui n'a pas enregistré de croissance pendant plusieurs mois.

Il y a tout de même eu une belle opération en juin dernier : le rachat de la néobanque BtoB Shine par Société Générale. Cette acquisition n'a pas fait l'unanimité dans l'écosystème car considérée comme trop tôt dans l'histoire de l'entreprise. Êtes-vous d'accord ?

Il faut se rappeler qu'on se trouvait pendant la crise du Covid. Et en face de Shine, il y a un concurrent, Qonto, qui est extrêmement valorisé, qui ne gagne pas beaucoup d'argent mais dont le chemin vers la profitabilité est clair. On ne peut pas en vouloir à un entrepreneur de choisir la prudence. C'est trop facile de lui jeter la pierre. Et il ne faut pas oublier que cela reste bon deal financier (le montant du rachat est estimé autour de 100 millions d'euros, mais n'a jamais été révélé, ndlr).

Ces derniers mois, avez-vous vu passer de nouveaux dossiers fintech ou est-ce que la "vague" est passée ?

"A part Younited Credit et Lydia, il y a peu de gros succès dans la fintech BtoC"

Nous avons vu passer plein de start-up focalisées sur de nouveaux usages. Par exemple, j'ai consulté près de 10 dossiers de boîtes spécialisées dans l'acompte sur salaire, qui permettent aux salariés de demander, via une application, une partie de leur rémunération n'importe quand dans le mois. Il y a aussi eu beaucoup de dossiers autour de l'épargne, la comptabilité et le financial management. La green fintech, qui comprend notamment des entreprises utilisant les données bancaires pour responsabiliser les consommateurs dans leurs achats, est aussi tendance. Kima a notamment financé la néobanque verte Helios.

En Europe, il existe très peu de fonds spécialisés en fintech. N'est-ce pas problématique étant donné qu'il s'agit d'un secteur complexe, notamment d'un point de vue réglementaire ?

Je suis étonné qu'il n'y en ait pas en effet. Il en existe bien un, BlackFin, mais ce n'est pas un fonds de venture. Je ne suis pas sûr qu'il faille être spécialisé pour faire de bons deals mais se spécialiser a tout de même du sens quand il y a suffisamment d'entreprises sur le secteur, ce qui est le cas de la fintech.

Comme dans la tech française, la fintech regorge principalement de start-up BtoB plutôt que BtoC. Comment expliquez-vous cela ?

A part Younited Credit et Lydia, il y a peu de gros succès dans la fintech BtoC. Je pense que les consommateurs ne sont pas moteurs de leur environnement bancaire. Il est très difficile de les attirer quand vous lancez une fintech BtoC. Mais ce n'est pas impossible quand on voit récemment le succès de l'application de cashback Joko (qui vient de lever 10 millions d'euros, ndlr).

A votre avis, quelle sera la première licorne fintech française ?

Je parie sur Payfit.

Jean de La Rochebrochard est managing partner de Kima Ventures, le fonds d'investissement de Xavier Niel, depuis septembre 2015. De 2013 à 2015, il était partner chez The Family. Il est également passé par Global Equities Corporate Finance, Canny Cap et Avenir Finance Corporate.


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