Donna Moore, CEO de l'Alliance LoRa. © Alliance LoRa

JDN. L'alliance LoRa met en avant la richesse de l'écosystème LoRa, bien développé en France. Qu'est-ce qui explique que les projets peinent encore à s'industrialiser ? 

Donna Moore. Le manque de projets qui passent à l'échelle relève d'un problème de stratégie : les entreprises clientes commencent par réaliser un proof of concept pour résoudre une seule de leurs problématiques. Elles ne pensent pas plus loin. Le passage à l'échelle n'est pas intégré à leur projet, qui est davantage orienté vers la technologie que vers une vision d'entreprise. Or, au moment d'industrialiser, quand il est question d'utiliser les capteurs pour de nouveaux usages, de faire des mises à jour, de proposer de nouveaux services, de repenser les modèles d'affaires ou encore de recruter, elles ne sont pas prêtes. L'architecture n'est pas au point : on ne peut pas créer la scalabilité après avoir créé la solution. C'est ce qui explique que plus de 80% des POC ne passent pas à l'étape suivante. L'avantage de LoRa est de bénéficier d'une architecture flexible et simple à déployer. Il ne faut que 25 minutes pour installer un capteur par exemple. C'est un atout qui permet à LoRa de rendre possibles les déploiements à grande échelle.

Les clients attendent par ailleurs de constater les possibilités de la 5G. Quelle est la position de LoRa face à la 5G ?

Les deux technologies sont complémentaires, il ne faut pas les opposer. Réaliser des déploiements dans le monde nécessite des protocoles différents. Un seul ne peut pas couvrir tous les usages. Le NB-IoT par exemple est privilégié pour les besoins de vitesse de transmission. Selon les secteurs, LoRa correspondra mieux que la 5G, et vice-versa. Nous travaillons ainsi avec des opérateurs 5G car, je le répète, la complémentarité est clé, c'est ce qui va rendre possible le ROI des projets. Mais la 5G reste une technologie chère et gourmande en énergie. Je ne crois donc pas à la 5G massive auprès du grand public, pour qui les zones de couverture sont encore très réduites. On le voit bien en Chine, malgré les subventions de l'Etat, la 5G n'est pas rentable. LoRaWAN a tout pour tirer son épingle du jeu. D'autant plus avec la mise à l'arrêt de la 3G, LoRaWAN représente une bonne alternative grâce à son prix et la durée de vie des batteries.

"Je ne crois donc pas à la 5G massive auprès du grand public"

Pour accompagner la montée en puissance de LoRaWAN que vous décrivez, quelle est la stratégie de l'alliance LoRa pour les mois à venir ?

La stratégie initiale de l'Alliance était de fédérer l'écosystème. Nous nous concentrions sur les fabricants de puce ou les opérateurs pour faire connaître la marque et nous avons regroupé plus de 500 membres. La crise sanitaire du coronavirus a marqué un point de bascule qui a fait évoluer notre positionnement ces 18 derniers mois : il nous faut désormais nous adresser aux utilisateurs finaux. Notre rôle à l'avenir ne sera donc plus d'expliquer la technologie à AWS par exemple mais à l'utilisateur final qui a acheté un assistant vocal Alexa. Nous avons un rôle à jouer car nous pouvons par exemple aiguiller les acteurs, dans cette période de pénurie de composants, sur là où il y a des manques, là où il faut agir. Nous poursuivrons bien entendu nos partenariats privilégies, comme avec Microsoft pour qui les données remontées en LoRa sont une vraie richesse. Autre chantier, LoRa a été reconnu comme standard, nous travaillons à présent à l'interopérabilité des technologies. Le Wi-Fi, le Bluetooth, la 5G et LoRa représentent des technologies phares qui doivent pouvoir communiquer. Nous pourrions envisager d'intégrer la technologie LoRa aux smartphones ou à différents terminaux car nous visons les usages de la smart home, de son arrière-cour et de son quartier. C'est ce qu'a déjà commencé à faire le réseau Helium notamment. Nous avons également un groupe de travail sur l'IoT satellitaire, afin que les capteurs puissent communiquer de manière hybride avec les réseaux terrestres et satellitaires. Il y a une quantité d'usages possibles, nous sommes encore très loin d'en avoir fait le tour.

Donna Moore est PDG et présidente de l'Alliance LoRa, créée en 2015. Dans ce rôle, elle supervise l'organisation, sa stratégie et sa direction pour favoriser l'adoption mondiale de la norme LoRaWAN. Auparavant, Donna Moore était PDG de SpireSpark International, une société qui fournit une expertise technique et opérationnelle pour concevoir et mettre en place des programmes de certification et de conformité. Elle a également occupé la fonction de directrice exécutive de la Digital Living Network Alliance (DLNA).


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