La Covid-19 aura eu le mérite de répandre l'usage de la visioconférence en entreprise. Faute de se rencontrer dans "la vraie vie", la "visio" s'est imposée dans la plupart des organisations comme outil indispensable pour collaborer à distance et maintenir le lien avec les clients et prospects. Fondateur du groupe de conseil Apo'g, Stéphane Jourdain estime que la crise aura fait gagner cinq ans dans l'adoption de ce type de solution. "Avant mars 2020, la visioconférence était le cadet des soucis des entreprises. Plus d'un an plus tard, elle s'est définitivement imposée dans la sphère professionnelle pour devenir la norme", constate-t-il.

Cette adoption massive s'accompagne d'un souhait de professionnalisation. Il est fini le temps des solutions déployées à la vite en début de premier confinement pour parer au plus urgent. Un mode pompier sur lequel a pu surfer Zoom avec ses 30 puis 40 premières minutes gratuites. "Aujourd'hui, la DSI a repris la main et souhaite bâtir une plateforme agnostique à même de s'interfacer avec les différentes solutions du marché", poursuit Stéphane Jourdain. Zoom, Google Meet, Microsoft Teams, Cisco Webex… Toutes les solutions de visioconférence ont prospéré durant la pandémie créant de fait une hétérogénéité des usages.

Comparatif des outils de visioconférence
  Zoom Microsoft Teams Google Meet Cisco Webex 
Compatibilité SIP/H.323 X     X
Plan d'appel RTC X X   A venir
Plateforme collaborative complète   X X  
Marketplace complète X X    
Fonction webinaire X X X X
Service commercial en français    X X X
Chiffrement de bout en bout X Annoncé en mars 2021 NC X
Tarification (HT) Quatre forfaits, par an et pas licence : basique (139.90 euros), pro (189,90 euros), affaires (326 euros) entreprise (223,20 euros). Trois formules,  par utilisateur et par mois : Microsoft 365 Business Basic (4,20 euros), Microsoft 365 Business Standard ( 10,50 euros), Office 365 E3 (19,70 euros). Trois formules, par utilisateur et par mois : Starter (4,86 euros), Business Standard (9,36 euros), Business Plus (15,60 euros), Enterprise (sur devis). Trois formules, par organisateur et par mois : Starter (12,85 euros), Business (25,65 euros), Enterprise (sur devis)

En ce qui concerne le choix même de la solution de visioconférence, la crise aura rendu difficile la comparaison. C'est ce qu'estime Romain Cadet, spécialiste des solutions de visioconférence chez Apo'g. Dynamisés par la croissance du marché, les éditeurs ont multiplié les annonces. Résultat : leur périmètre fonctionnel évolue en permanence. "Il y a quelques mois, Teams ne permettait pas de lancer une salle de réunion permanente, c'est aujourd'hui le cas", note l'expert. "Zoom avait innové en lançant le fond vert, Teams et Meet ont suivi." Néanmoins, au fil des mois, les positionnements se décantent. Représentant de la visioconférence nouvelle génération, Zoom joue la carte de l'innovation. Autre pure player, Webex s'appuie sur la force de frappe et la base installée de Cisco, sa maison mère. Microsoft Teams et Google Meet se présentent, elles, comme de véritables plateformes collaboratives au-delà de la seule fonction visio.

La présence historique de Microsoft dans les entreprises donne un avantage certain à Teams. Proposée sans supplément aux abonnés de la suite Microsoft 365 et pour ainsi dire déjà déployée sur le poste de travail des collaborateurs, la messagerie d'équipe a été perçue par nombre d'organisations comme une bouée de sauvetage au début de la pandémie. Sur le segment des PME que couvre Apo'g, la solution a été retenue par environ 90% des sociétés que le cabinet accompagne. On note que les quatre éditeurs retenus dans ce comparatif sont tous d'origine d'américaine. Pour répondre à des enjeux de souveraineté, il existe des solutions françaises à l'instar de Tixeo mais aussi des alternatives open source en auto-hébergement comme Jitsi et Nextcloud Talk.

Zoom, le trublion qui porte l'innovation

Zoom aura été l'invité surprise de la crise. Peu connu avant la pandémie, l'éditeur californien a connu une année exceptionnelle. Sur son dernier exercice financier, il a vu son chiffre d'affaires bondir de 326% pour dépasser les 2,6 milliards de dollars. Zoom doit son succès à son modèle freemium (les fameuses 40  minutes gratuites). Mais aussi à la facilité d'utilisation de sa plateforme. Il suffit de cliquer sur un lien pour rejoindre une réunion, même si Skype ou Lifesize le proposaient avant lui. Pointé du doigt, en début de crise sanitaire pour ses failles de sécurité, Zoom a depuis rectifié le tir. En septembre, la licorne introduisait l'authentification utilisateur à double facteurs et, le mois suivant, le chiffrement de bout en bout.

Réunion, webinaire, chat, classe virtuelle, téléphonie dans le cloud… Zoom couvre tout le spectre de la visioconférence, jusqu'à 10 000 participants. Fidèle à sa réputation, l'éditeur multiplie les innovations. L'IA couplée à la caméra permet de s'assurer que la distanciation sociale et la jauge d'accueil de la salle de réunion sont respectées tandis que la Neat Bar, designée pour Zoom, surveille la qualité de l'air. Côté matériel, la société a lancé, en juillet, une offre de "hardware as a service" regroupant abonnement et matériel. Il supporte les équipements de Lenovo, HP ou Poly. Zoom propose aussi un connecteur pour les salles au standard H.323/SIP.

Zoom tente, par ailleurs, de dépasser le cadre de la seule visioconférence. En février dernier, la société annonçait que sa marketplace avait dépassé la barre des mille applications tierces intégrées, dont des calendriers partagés (Calendly, Google Agenda…) et des plateformes collaboratives (G Suite, Microsoft Teams). Côté points faibles, Apo'g regrette son formulaire web et son numéro basé aux Etats-Unis pour joindre le service commercial. Un élément rédhibitoire pour les PME.

Teams, la force du collaboratif

Teams est l'autre gagnant de la crise. Fin octobre 2020, la messagerie d'équipe de Microsoft comptait 115 millions d'utilisateurs actifs quotidiens, contre 75 millions en avril et 44 millions en février 2020. Microsoft Teams est au départ une plateforme collaborative agrégeant des fonctions de messagerie instantanée, d'appels audio, d'agenda partagé, de partage de fichiers ou de gestion de tâches. Elle fait pour cela appel à différents modules de la suite Microsoft 365 comme SharePoint, OneDrive, OneNote ou Planner. Sa place de marché regroupe plus de 700 applications tierces dédiées à la productivité ou à la gestion de projet.

Côté visioconférence, le mode Ensemble transpose les participants dans un environnement virtuel partagé, leur donnant l'impression d'être assis dans la même pièce. Des bulles de chat dynamiques permettent de converser sans passer par le module de chat. La fonction Tableau blanc permet à la manière de Klaxoon ou de Mural de collaborer avec des post-its, des notes et de glisser-déposer des photos ou documents. Microsoft propose aussi un mode webinaire en s'appuyant sur PowerPoint Live.

Comme Zoom, Microsoft a noué des partenariats avec des constructeurs comme Poly, Yealink ou HP pour équiper les salles de réunion de matériels compatibles. Alors que Teams ne répond pas au standard SIP/H323, l'option Cloud Video Interop (CVI), assure son interopérabilité avec des salles de réunion tierces. Elle est proposée par Pexip et Cisco BlueJeans. Avec ses plans de téléphonie, Microsoft Teams permet de passer et recevoir des appels téléphoniques via un réseau téléphonique commuté (RTC).

Webex, une nouvelle jeunesse

Face à ses concurrents, Webex reste l'acteur historique du marché. Fondé en 1996, il a été racheté par Cisco en 2007. Avec Webex Teams (travail collaboratif), Webex Meetings (gestion de réunions) et Webex Calling (appels téléphoniques), le géant américain couvre tout le spectre du meeting virtuel, fournissant même le matériel pour équiper une salle de réunion. Pour se refaire une jeunesse, le fournisseur américain fait feu de tout bois. En décembre dernier, il présentait "le tout nouveau Webex". Au programme : élimination des bruits parasites, retranscription automatique ou encore indicateur de présence. Le mode Webex Huddle permet de créer une réunion spontanée sans planification. La traduction simultanée (avec le français pris en charge), le partage de présentations, de vidéos ou d'applications en arrière-plan seront intégrés dans les mois qui viennent. Webex établit, par ailleurs, un nouveau record du nombre de participants lors d'un événement avec un premier seuil à 25 000 puis un second à 100 000. La filiale de Cisco a aussi lancé un service de gestion d'appel en RTC qui a démarré en Amérique du Nord et devrait être étendu à d'autres pays en 2021.

Webex utilise l'IA pour capter la communication non-verbale. La reconnaissance des gestes permet aux participants d'exprimer leur opinion en levant ou en baissant un pouce ou en applaudissant. Avec la fonction People Focus, l'IA recadre les participants dispersés dans une salle de réunion. Cisco a aussi ouvert, en décembre, une place de marché pour enrichir son écosystème. Webex App Hub intègre déjà Box, Dropbox, Miro, Mural, Salesforce, ServiceNow et Workplace de Facebook. Plus original encore, Webex a lancé une fonctionnalité, baptisée People Insights, qui vise à aider les collaborateurs à organiser leur temps de travail, respecter l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et prévenir les cas de burn-out.

Google Meet, intégration à Google Workspace

Nouveau nom de Google Hangouts Meet, Google Meet est une solution de visioconférence qui répond aux codes en vigueur en termes de simplicité d'usage. Elle permet d'organiser une réunion instantanée ou de la planifier en partageant un lien aux participants. Grâce à son intégration à Google Workspace, la session peut être liée à un événement Google Agenda. Dans son édition Enterprise, un numéro de téléphone est associé à la réunion permettant à des participants de la rejoindre sans être connectés à internet. Des équipements de salle de visioconférence estampillés Google Meet sont aussi proposés par les constructeurs Acer, Asus, Lenovo et Logitech. De la même manière que pour Teams, il est possible d'assurer l'interopérabilité vidéo avec les environnements de visioconférence standardisés SIP/H323 de type Cisco ou Poly en passant par un prestataire comme le norvégien Pexip.

En avril, Google annonçait une refonte de son interface utilisateur offrant davantage d'espace pour les contenus partagés durant une réunion avec la possibilité de les épingler pour qu'ils soient toujours visibles ou de les mettre en surbrillance. Pour mieux se concentrer, un participant peut repositionner ou masquer son propre flux vidéo. Grâce à l'IA, Google Meet corrige la luminosité d'un utilisateur sous-exposé ou recadre automatiquement les participants. Google a aussi lancé la fonction Data Saver qui limite l'utilisation des données sur les réseaux mobiles afin d'économiser les capacités des forfaits en transit de données.


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