Le management, ce concept si difficile à définir

S’il y a bien un terme pour lequel la définition n’est pas universelle, c’est bien celui du mot management. Chacun propose la sienne. Si les théoriciens y voient une notion large de gestion et de planification de l’ensemble des ressources afin de parvenir à des objectifs donnés, dans le langage quotidien ce terme est entendu comme diriger des individus. On « manage » des équipes. La polysémie de ce mot rend difficilement définissable son concept, ce qui est une première difficulté pour en analyser sa pratique. Car ce terme peut tout aussi bien évoquer les actions : imposer, diriger, orienter, suggérer, motiver, promouvoir, réprimander, sanctionner, etc…   Même s’il existe une tendance de fond du politiquement correct qui vise à adoucir les modalités de donner des directives, le terme reste le même… Lorsqu’il existe un projet d’entreprise visant à davantage responsabiliser, autonomiser et diminuer la directive, s’agit-il de moins manager ? Oui, si manager est pris dans le sens de diriger, non s’il est pris dans de sens que lui donne Harold Koontz, : « il s’agit de l’art de faire avancer les choses avec les personnes au sein d’un groupe bien organisé ».

Une nécessaire évolution du management

Cette définition ne postule donc pas que le résultat escompté soit réalisé par des managers même si cela est pris comme une évidence la plupart du temps. Car en ce qui concerne l’organisation et l’optimisation du travail des autres, il s’agit non seulement de la mission centrale des managers mais même de leur raison d’être. Dès lors, sur les bases de la croyance que les individus travailleront mieux avec le manager que sans lui, il semble logique que ce dernier mette toute son énergie à adopter une stratégie comportementale visant à se positionner comme tel. Cette démarche qui vise à instaurer un système dans lequel des individus sont responsables d’autres individus avec un objectif d’optimiser le comportement de ces derniers dans une recherche d’efficacité représente une vision managériale de l’entreprise. Est-ce réellement la meilleure solution ? Répondre par l’affirmative, c’est postuler que les individus n’ont pas, soit la capacité, soit la motivation à rechercher eux même l’optimisation de leur travail. Pourtant, comme le proclamait Simone Weil, le travail représente une opportunité de se réaliser.  Mais le système de l’entreprise, demande davantage l’exécution que la cognition et l’individu se trouve contraint de se mettre en mouvement non plus en recherchant l’harmonie entre le corps et l’esprit mais son corps et l’esprit d’un autre. Cela réduit considérablement la possibilité de réalisation de soi alors même que l’aspiration à se réaliser n'a jamais été aussi forte. De plus, un fonctionnement basé sur l’ajustement mutuel pour peu qu’il y ait un projet d’entreprise bien déployé et compris, semble bien le plus efficace car cela permet une grande fluidité dans la résolution des aléas.

Vers une proposition philosophique de l‘entreprise.

Dès lors, ne faut-il pas s’interroger si les énergies d’une gouvernance ne devraient pas se concentrer sur le système (règles, cultures, environnement de travail, moyens, etc…), et non plus sur les individus. Si la directive, comme le stipule la philosophie de l’entreprise mature, est une entrave à la puissance d’exister, que les jeux de pouvoir sont un frein à la fluidité ou encore que la reconnaissance amène à une pollution intersubjective, il faudrait donc s’occuper de ces effets systèmes afin de permettre à l’individu de libérer son potentiel car « Nul ne peut avoir autre désir volontairement que la réalisation de soi ». Et si cette réalisation ne s’exerce pas dans l’entreprise, c’est souvent parce que celle-ci ne le permet pas. S’orienter dans cette voie, c’est quitter la vision managériale, statique, pour emprunter une vision philosophique, en mouvement, dans laquelle il va falloir déconstruire les mécanismes sociaux qui empêchent les individus de bien effectuer leur travail.  Cette démarche complexe nécessite un projet d’entreprise qui doit permettre aux managers, acteurs du faire agir, d’opérer un glissement vers le système de l’entreprise. Il s’agit non plus de centrer son action sur les individus mais sur l’écosystème tout en amenant ces derniers à s’affranchir des différents tuteurs qui les empêchent d’acquérir une maturité de fonctionnement pourtant si propice à l’entreprise. Alors, se met en mouvement le cercle vertueux de la réalisation de soi et de la performance collective.


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