L'annonce par Google en 2020 de sa décision de mettre fin aux cookies tiers a sans doute joué un rôle majeur dans la décision prise la même année par Altice Media Ads & Connect de changer de méthode de qualification et de monétisation de ses audiences et de se doter d'une nouvelle plateforme de gestion de données (DMP). Sans cookies tiers, comment continuer de disposer d'une vue transversale sur l'ensemble de ses audiences dispersées dans différents domaines ?

Avec des marques médias telles que BFM, RMC et i24News, la régie du groupe Altice (27,76 millions de visiteurs uniques sur ses sites et applications, Médiamétrie, janvier 2023) est elle aussi fortement concernée par la fins des cookies tiers sur ses inventaires web.  "Le cookie tiers est un élément clé utilisé par l'ensemble de la chaîne technique dédiée à la monétisation des inventaires display, audio et vidéo. Il est donc naturel que sa disparition génère autant de réactions dans l'industrie", explique Abderrahmane Yacoubi, directeur adtech d'Altice Media Ads & Connect. D'autant qu'une partie généralement évaluée à 30% de l'inventaire disponible sur le web a déjà disparu des radars avec la suppression des cookies tiers sur Safari et Mozilla.

Qualifier ses audiences

Ainsi, comment garder la capacité à qualifier l'ensemble des audiences à travers l'ensemble des marques médias du groupe ? "Il nous fallait trouver une stratégie qui puisse être compatible avec l'ensemble de ces formats et environnements. C'est pourquoi nous nous sommes dotés d'une capacité à gérer nos audiences de la même manière partout en passant par un système d'identifiant soumis au consentement et en adoptant une démarche de tracking adapté", précise-t-il.

"Chaque fois qu'un nouveau visiteur consulte un de nos sites et s'il est d'accord nous lui attribuons un ID first"

Une stratégie de tracking adapté à l'utilisateur (s'il est consentant ou non) et à l'environnement (web ou in-app) suppose de se servir d'un même point d'entrée et de sortie pour traiter l'ensemble des audiences. C'est précisément ce que fait 1plusX (filiale de Triplelift), la DMP adoptée par la régie en 2021, dont une des premières mesures a été de modifier la méthode d'intégration pour l'attribution des cookies sur ses inventaires web. De fait, sur environnement web, la régie s'est alors mise à attribuer des cookies first party (et non plus des cookies tiers comme elle faisait jusque-là) à l'ensemble des audiences consentantes de l'ensemble des domaines du groupe afin d'en finir avec tout risque de voir ses traceurs bloqués par le navigateur. "Chaque fois qu'un nouveau visiteur consulte un de nos sites et s'il est d'accord nous lui attribuons un ID first que notre DMP saura reconnaître lorsqu'il reviendra. C'est ce qui nous permet de créer des segments d'audience sur la base des comportements de navigation", explique Abderrahmane Yacoubi. Mais d'où vient la magie permettant de transformer un cookie first en third ? "Nous avons changé la méthode d'intégration : nous utilisions un script de tag, désormais nous sommes sur un browser SDK", précise-t-il.

En dehors du web, pour les utilisateurs disposant d'un compte logué, comme sur l'application RMC BFM Play, la régie se base sur l'adresse e-mail pour générer un ID lui permettant de qualifier l'audience. Enfin, pour qualifier toutes les audiences dont le comportement ne peut être tracé (soit parce qu'elles sont sur l'in-app non loguées soit parce qu'elles n'autorisent pas le dépôt d'un cookie), la régie s'appuie sur l'analyse du comportement des audiences tracées grâce à la nouvelle méthode, ce qui permet d'établir des profils types pour chaque type de contenu consulté. "Grâce à cette analyse de l'audience opt-in, nous savons, pour chaque url, les profils d'audience sur lesquelles elles sont les plus puissantes ce qui nous permet finalement de qualifier 100% de nos audiences", explique-t-il en précisant que la qualification granulaire suit le standard IAB. "Nous arrivons à traiter l'intégralité du catalogue IAB (des tiers 1 à 4). Pour ce qui est des profils sociodémographiques, nous enrichissons notre connaissance grâce aux données opt-in des audiences qui consultent le site de SFR", précise le spécialiste.

"Le fait d'avoir agrandi notre pool d'audiences nous permet de proposer plus de volumes d'audiences à nos clients"

Les résultats n'ont pas tardé à se faire sentir : dès que la nouvelle méthode d'intégration permettant aux sites de générer des traceurs first party a été appliquée à l'ensemble des domaines du groupe, la population pouvant être ciblée sur environnement web a augmenté de près de 20%. Un changement logique, ces audiences venaient de Safari et Firefox où elles avaient disparu des radars à cause du blocage des cookies tiers. C'était en janvier 2022. La régie s'est mise alors à générer davantage de revenus. "Le fait d'avoir agrandi notre pool d'audiences nous permet de proposer plus de volumes d'audiences à nos clients et de générer pour nous plus d'opportunités de ventes et cela même sur des segments très granulaires. De plus, en adoptant une seule technologie et une stratégie d'adaptive tracking consolidé sur un seul et même système, nous avons baissé nos coûts de collecte et de traitement de nos données tout en renforçant notre contrôle sur le respect de la vie privée des utilisateurs", résume Abderrahmane Yacoubi.

Nous sommes donc dans le meilleur des mondes du moins pour ce qui est de la commercialisation de ses inventaires en gré à gré, programmatique garanti et en deals… Quid en revanche de l'open auction ? Comment les acheteurs médias pourront-ils reconnaître les ID de la régie demain quand les cookies tiers disparaitront ? "Nous espérons que les différents acteurs de la chaîne (publishers, SSP et DSP) se mettront d'accord sur un même protocole d'ID fourni par le publisher et reconnu par les solutions d'achat permettant de se passer des cookies tiers. Les initiatives disponibles sur le marché sont nombreuses, nous n'avons pas de préférence particulière mais au final il faudra que tous s'accordent sur une seule et même solution", conclut-il.

Altice Media Ads & Connect revendique des taux de consentement aux traceurs publicitaires très élevés, variant entre 75% et 85%. Quant à la part d'audiences loguées elle ne concerne que l'application RMC BFM Play, qui impose le login : la régie revendique sur son site 15 millions d'utilisateurs uniques sur le replay de cette application.


Source link