Les plateformes d'affiliation se montrent rassurantes sur la pérennité de leur modèle dans l'ère post cookie tiers. Attention tout de même, car l'enjeu est de taille, le cookie étant au cœur du modèle de ce secteur : c'est grâce à ce traceur que l'on connaît l'éditeur derrière chaque internaute ayant converti sur le site d'un annonceur. On peut ainsi attribuer à cet éditeur l'origine du trafic acheteur, et lui verser une commission.

Parmi les principales méthodes alternatives aux cookies tiers, celle qui consiste à permettre à la plateforme d'affiliation de se servir des cookies du site de l'annonceur (les first party cookies) est utilisée par 49% des clients de la plateforme Effinity, qui revendique 600 annonceurs (Boulanger, Carrefour, Nocibé) et 45 000 affiliés entre éditeurs de contenus, influenceurs, blogueurs, comparateurs de prix, sites de cashback, etc. Cette méthode est rendue possible en mode "alias" via une simple déclaration dite "Cname". Une sorte de délégation accordée à un tiers pour qu'il puisse se servir d'un nom de domaine.

Permettre à la plateforme de tracker avec les cookies de l'annonceur est ainsi la plus simple des solutions, ce qui explique pourquoi elle s'est généralisée dans l'industrie du retargeting et de l'analytics. "Un enregistrement de nom canonique (Cname) permet de spécifier qu'un nom de domaine est un alias pour un autre domaine, pour, par exemple, rediriger le trafic de Partner.nomdusite.com vers les serveurs Effinity", précise un document édité par Effinity pour présenter cette méthode.

Techniquement, le navigateur de l'internaute considère comme relevant du site de l'annonceur le cookie déposé par la plateforme d'affiliation à des fins de tracking pour la mesure et l'attribution. Conséquence, étant désormais un cookie first party, et non plus third, ce dernier ne sera pas bloqué par le navigateur. "Tout cela se fait dans un cercle fermé : nous sommes là pour mesurer et attribuer dans le cadre des données qui appartiennent à l'annonceur", précise Christophe Bosquet, cofondateur et CEO d'Effinity.

"Nous sommes tributaires des décisions prises par les plateformes et les annonceurs."

Cette alternative est simple à mettre en place. "Cela ne nécessite aucun changement chez l'éditeur ; chez les annonceurs, cela demande un simple paramétrage technique", détaille-t-il, rassurant. C'est aussi ce qui explique la très faible implication des éditeurs dans ce processus de transition. "Face à la perspective de la fin des cookies tiers, les modifications pour préparer cette transition se passent surtout du côté des annonceurs, nous ne sommes pas concernés par ces tests et ne disposons que de très peu de visibilité sur ces sujets", déclare Clément Grandjean, partnership manager chez Humanoid, éditeur du site Frandroid, un site dédié aux nouvelles technologies dont le modèle économique est particulièrement dépendant de l'affiliation.

Générant un million de clics par mois, Frandroid est connecté à 20 plateformes d'affiliation. Et aucune d'entre elles ne lui a proposé d'échanger sur les solutions alternatives aux cookies. "Nous sommes tributaires des décisions prises par les plateformes et les annonceurs. Et c'est un problème de ne pas pouvoir anticiper cette échéance, d'autant que le marché ne propose pas de solution standard", ajoute-t-il.

L'inquiétude de Clément Grandjean ne se justifie pas uniquement par l'importance de ce levier dans le modèle économique de Frandroid ou par l'absence d'un standard de marché. Elle est aussi le fruit d'expériences amères vécues récemment. "À la suite de la mise en place des plateformes de gestion de consentement, nous nous sommes retrouvés amputés de près de 40% de nos recettes et confrontés à des baisses importantes dans nos taux de transformation sans que l'on sache pourquoi et sans que l'on se sente vraiment responsable de la situation. Les marchands nous proposent des compensations pour les ventes non traquées d'internautes ayant refusé le dépôt de cookies, mais ces montants sont insuffisants."

Et effectivement, les éditeurs ne semblent pas être la priorité des plateformes. Si on prend l'exemple d'Effilinet, alors que l'agence a réalisé près de 45 webinaires pour sensibiliser les annonceurs aux nouvelles méthodes de tracking proposées comme alternative aux cookies tiers, seuls quatre ont été consacrés aux éditeurs. Sans doute parce que les changements techniques ne les concernent pas directement, ou peu. Ainsi, 49 % de ses annonceurs ont déjà basculé en cookie first party par Cname et 8% sont désormais en server to server.

Car si le cookie first semble s'imposer comme l'alternative la plus répandue aux cookiers tiers pour le tracking des conversions, elle n'est pas la seule. Les plateformes testent également les connexions server to server : "Cette méthode permet de se rendre indépendant des changements intervenant au niveau des navigateurs ; son inconvénient c'est qu'elle rend le modèle encore plus tributaire des informations que les annonceurs voudront bien faire remonter", analyse Paul Mazouer, directeur commercial affiliation chez Rakuten Advertising. C'est également une solution plus lourde à mettre en place et plus coûteuse qui n'attirera pas les plus petits acteurs. "Le server side nécessite en effet de mettre en place une infrastructure technique permettant de réceptionner et rediriger les appels entre les serveurs. Il faut compter un coût de mise en place de 500 euros minimum par mois", indique Christophe Bosquet.


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